Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
VIE DE PLOTIN

des impies, pour marcher dans la voie droite d’une âme pure, voie où brille une lumière divine, où la justice demeure dans un lieu saint, loin de l’odieuse injustice. Lorsque jadis tu t’efforçais d’échapper aux vagues amères[1] et à la pénible agitation de cette vie cruelle, au milieu des flots et des sombres tempêtes, souvent les dieux ont fait apparaître à tes yeux un but placé près de toi[2] ; souvent, quand les regards de ton esprit s’égaraient en suivant une voie détournée, les immortels les ont dirigés vers le but véritable, vers la voie éternelle, en éclairant tes yeux par des rayons éclatants au milieu des ténèbres les plus épaisses. Un doux sommeil ne fermait pas tes paupières, et lorsque, ballotté par les tourbillons [de la matière], tu cherchais à écarter de tes yeux la nuit qui s’appesantissait sur eux, tu as contemplé bien des beautés que ne pourrait contempler facilement aucun de ceux qui se livrent à l’étude de la sagesse.

Maintenant que tu t’es dépouillé de ton enveloppe mortelle, que tu es sorti du tombeau de ton âme démonique, tu es entré dans le chœur des démons où souffle un doux zéphyr ; là règnent l’amitié, le désir agréable, toujours accompagné d’une joie pure ; là on s’abreuve d’une divine ambroisie ; là on est enchaîné par les liens de l’amour, on respire un air doux, on a un ciel tranquille. C’est là qu’habitent les fils de Jupiter qui ont vécu dans l’âge d’or, les frères Minos et Rhadamanthe, le juste Éaque, le divin Platon, le vertueux Pythagore, en un mot tous ceux qui ont formé le chœur de l’amour immortel et qui par leur naissance sont de la même race que les plus heureux des démons. Leur âme goûte une joie continuelle au milieu des fêtes. Et toi, homme heureux, après avoir soutenu bien des luttes, tu es au milieu des chastes démons, et tu as atteint une éternelle félicité.

    aux îles Fortunées, où, loin de la foule des impies, le chœur des démons goûte une joie continuelle au milieu des fêtes.

  1. Les vagues amères de cette vie cruelle sont la matière corporelle que Plotin appelle une lie amère. Voy. Enn. II, liv. iii, § 17.
  2. Voy. l’explication que Porphyre lui-même donne de ce passage dans le § 23.