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VIE DE PLOTIN

XXI. Longin avoue, dans ce que nous venons de voir, que Plotin et Amélius l’emportent sur tous les philosophes de leur temps par le grand nombre de questions qu’ils traitent et par l’originalité de leur système ; que Plotin ne s’était point approprié les sentiments de Numénius et qu’il ne les suivait même pas ; qu’il avait à la vérité profité des idées des Pythagoriciens [et de Platon] ; enfin qu’il avait plus de précision que Numénius, que Cronius et que Thrasyllus. Après avoir dit qu’Amélius suivait les traces de Plotin, mais qu’il était prolixe et diffus dans ses explications, ce qui faisait la différence de leur style, il parle de moi, qui connaissais Plotin depuis peu, et il dit : « Notre ami commun, Basile de Tyr [Porphyre], qui a beaucoup écrit en prenant Plotin pour modèle. » Il déclare par là que j’ai évité les longueurs peu philosophiques d’Amélius et imité la manière de Plotin. Il nous suffit d’avoir cité ici le jugement d’un homme illustre qui est le premier critique de nos jours, pour faire voir ce qu’il faut penser de notre philosophe. Si j’eusse pu aller voir Longin lorsqu’il m’en priait, il n’eût point entrepris la réfutation qu’il écrivit avant d’avoir bien examiné sa doctrine.

XXII. « Mais pourquoi m’arrêter [à causer] ainsi auprès du chêne ou auprès du rocher ? » comme le dit Hésiode[1]. S’il est

  1. Ἀλλά τίη μοι ταῦτα περὶ δρῦν ἢ περὶ πέτρην (λέγειν)

    (Hésiode, Théogonie, vers 35.)

    Porphyre, pour la clarté de la phrase, a exprimé le mot λέγειν qui est sous-entendu dans le vers d’Hésiode. C’est une locution proverbiale qui signifie : Pourquoi m’arrêter à causer (c’est-à-dire, dans le passage qui nous occupe : Pourquoi m’arrêter à causer de la lettre de Longin quand j’ai à parler de l’oracle d’Apollon) ? Homère exprime la même idée quand il fait dire à Hector, au moment où ce héros va combattre Achille :

    Οὐ μέν πως νῦν ἔστι ἀπὸ δρυὸς οὐδ’ ἀπὸ πέτρης
    Τῷ ὀαριζέμεναι, ἅτε παρθένος ἠίθεός τε,
    Παρθένος ἠίθεός τ’ ὀαρίζετον ἀλλήλοιν.

    (Iliade, chant XXII, vers 126-129.)

    « Ce n’est pas le moment de causer avec lui sous le chêne ni sous