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VIE DE PLOTIN

pas, en venant me voir, acquérir quelque science). Quelle que soit votre attente, ne comptez pas trouver ici rien de nouveau, ni même les ouvrages anciens que vous dites perdus[1]. Il y a une si grande disette de copistes qu’à peine ai-je pu, depuis tout le temps que je suis dans ce pays, me procurer ce qui me manquait de Plotin, en engageant mon copiste[2] à abandonner ses occupations ordinaires pour se livrer exclusivement à ce travail. Je crois avoir tous ses ouvrages, maintenant que je possède ceux que vous m’avez envoyés ; mais je les possède dans un état d’imperfection, parce qu’ils sont remplis de fautes. Je m’étais persuadé que notre ami Amélius avait corrigé les erreurs des copistes ; mais il a eu des occupations plus pressantes que celle-là. Je ne sais quel usage faire des livres de Plotin, quelque passion que j’aie d’examiner ce qu’il a écrit sur l’âme et sur l’être : ce sont précisément ceux de ses ouvrages qui sont les plus maltraités par les copistes. Je voudrais donc que vous me les envoyassiez transcrits exactement ; je les collationnerais et je vous les renverrais promptement. Je vous répète encore que je vous prie de ne pas les envoyer, mais de les apporter vous-même avec les autres ouvrages de Plotin, qui auraient pu échapper à Amélius. J’ai fait copier avec soin tous ceux qu’il a apportés ici : car pourquoi ne rechercherais-je pas avec empressement des ouvrages si estimables ? Je vous ai dit de près, comme de loin, et lorsque vous étiez à Tyr, qu’il y avait dans Plotin des raisonnements que je n’approuvais point, mais que j’aimais et que j’admirais sa façon d’écrire, son style serré et plein de force, et la disposition vraiment philosophique de ses dissertations. Je suis persuadé que ceux qui cherchent la vérité doivent mettre les ouvrages de Plotin au nombre des plus savants. »

  1. Quelques interprètes pensent qu’il s’agit d’écrits de Longin même ; Fabricius applique ces mots aux écrits des anciens philosophes : c’est, il nous semble, le véritable sens de ce passage.
  2. « M. Barthélemy Saint-Hilaire (De l’École d’Alexandrie, p. 168) traduit, avec deux autres interprètes, ὑπογραφέα, par secrétaire ; Fabricius rend le même mot par librarium, et s’appuie sur l’autorité de Suidas. C’est ce dernier sens que nous avons adopté.