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VIE DE PLOTIN

ville de Campanie qui était ruinée, de la lui donner avec tout son territoire, et de permettre à ceux qui devaient l’habiter d’être régis par les lois de Platon. Son intention était de lui donner le nom de Platonopolis, et d’y aller demeurer avec ses disciples. Il eût facilement obtenu ce qu’il demandait si quelques-uns des courtisans de l’empereur ne s’y fussent opposés, ou par jalousie, ou par dépit, ou par quelque autre mauvaise raison.

XIII. Il parlait fort bien dans ses conférences ; il savait trouver sur-le-champ les réponses qui convenaient. Cependant son langage n’était pas correct : il disait, par exemple, ἀναμνημίσϰεται au lieu de ἀναμιμνήσϰεται ; il commettait les mêmes fautes en écrivant. Mais lorsqu’il parlait, son intelligence semblait briller sur son visage et l’illuminer de ses rayons. Il était beau surtout quand il discutait : on voyait alors comme une légère rosée couler de son front ; la douceur brillait sur son visage ; il répondait avec bonté et cependant avec solidité. Je l’interrogeai pendant trois jours pour apprendre de lui l’union du corps avec l’âme ; il passa tout ce temps à m’expliquer ce que je voulais savoir[1]. Un certain Thaumasius, étant entré dans son école, disait qu’il voulait consigner par écrit les arguments généraux développés dans la discussion[2] et entendre parler Plotin lui-même ; mais il ne pouvait consentir à ce que Porphyre fît des réponses et adressât des questions. « Cependant, répondit Plotin, si Porphyre n’indique point par ses questions les difficultés que nous avons à résoudre, nous n’aurons rien à écrire. »

XIV. Le style de Plotin est vigoureux et substantiel, enfer-

  1. Voy. Enn. IV, liv. ii.
  2. Le texte de ce passage est corrompu. Au lieu de : τοὺς ϰαθόλου λόγους πράττοντος ϰαὶ εἰς βιϐλία ἀϰοῦσαι αὐτοῦ λέγοντος θέλειν, Creuzer propose de lire : τοὺς ϰαθόλου λόγους εἰσπράττοντος εἰς βιϐλία ϰαὶ ἀϰοῦσαι αὐτοῦ ou αὐτοῦς ; quum Thaumasius universales disputationes sibi aliisque exigent in scripta transferendas et se eum (vel eos) audire velle diceret. Wyttenbach, dans ses notes manuscrites, corrige ainsi le même passage : τοὺς ϰαθόλου λόγους τάττειν εἰς βιϐλία ϰαὶ ἀϰοῦσαι αὐτοῦ λέγοντος θέλειν ; qui argumenta universalia disputationum scripto consignare et se eum audire velle diceret. Nous avons adopté la correction proposée par Wyttenbach.