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PAR PORPHYRE.

Plotin, qui avait pour démon un dieu, tenait toujours les yeux de son esprit divin attachés sur ce divin gardien. C’est ce qui lui fit écrire le livre intitulé : Du Démon qui nous est échu en partage [Enn. III, liv. iv]. Il tâche d’y expliquer les différences qu’il y a entre les divers démons qui veillent sur les hommes. Amélius, qui était fort exact à sacrifier et qui célébrait avec soin la fête de la nouvelle lune[1], pria un jour Plotin de venir avec lui assister à une cérémonie de ce genre. Plotin lui répondit : « C’est à ces dieux de venir me chercher, et non pas à moi d’aller les trouver. » Nous ne pûmes comprendre pourquoi il tenait un discours dans lequel paraissait tant de fierté, et nous n’osâmes pas lui en demander la raison.

XI. Il avait une si parfaite connaissance du caractère des hommes et de leurs façons de penser, qu’il découvrait les objets volés, et qu’il prévoyait ce que chacun de ceux avec qui il vivait deviendrait un jour. On avait volé un collier magnifique à Chioné, veuve respectable, qui demeurait chez lui avec ses enfants. On fit venir tous les esclaves ; Plotin les envisagea tous, et en montrant l’un d’eux, il dit : « C’est celui-ci qui a commis le vol. » On lui donna les étrivières : il nia longtemps, enfin il avoua et rendit le collier. Plotin prédisait ce que devait être chacun des jeunes gens qui le fréquentaient : il assura que Polémon aurait de la disposition à l’amour, et qu’il vivrait peu de temps ; c’est ce qui arriva. Il s’aperçut que j’avais dessein de sortir de la vie : il vint me trouver dans sa maison, où je demeurais ; il me dit que ce projet ne supposait pas un esprit sain, que c’était l’effet de la mélancolie. Il m’ordonna de voyager. Je lui obéis. J’allai en Sicile[2] pour y écouter Probus, célèbre philosophe, qui demeurait à Lilybée. Je fus guéri ainsi de l’envie de mourir ; mais je fus privé du plaisir de demeurer avec Plotin jusqu’à sa mort.

XII. L’empereur Gallien et l’impératrice Salonine, sa femme, avaient une considération particulière pour Plotin. Comptant donc sur leur bonne volonté, il les pria de faire rebâtir une

  1. Les Romains appelaient cette fête le jour des Calendes.
  2. Voy. ci-dessus, § 6.