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VIE DE PLOTIN

jouir de tous leurs revenus. L’obligation de pourvoir aux besoins de tant de pupilles ne l’empêchait point d’avoir pendant la veille une attention continuelle aux choses intellectuelles. Il était doux et d’un accès facile pour tous ceux qui vivaient avec lui. Aussi, quoiqu’il soit demeuré vingt-six années entières à Rome, et qu’il ait été souvent pris pour arbitre, jamais il ne se brouilla avec aucun personnage politique.

X. Entre ceux qui se donnaient pour philosophes, il y avait un nommé Olympius. Il était d’Alexandrie, et il avait été pendant quelque temps disciple d’Ammonius. Comme il voulait l’emporter sur Plotin, il le traita avec mépris, et s’acharna contre lui au point qu’il essaya de l’ensorceler en recourant à des opérations magiques : mais s’étant aperçu que son entreprise tournait contre lui-même, il convint avec ses amis qu’il fallait que l’âme de Plotin fût bien puissante, puisqu’elle faisait retomber sur ses ennemis les maléfices qu’ils dirigeaient contre lui. La première fois qu’Olympius voulut lui nuire, Plotin s’en étant aperçu, dit : « En ce moment même, le corps d’Olympius éprouve des convulsions et se resserre comme une bourse. » Celui-ci, ayant donc éprouvé plusieurs fois qu’il souffrait les maux mêmes qu’il voulait faire souffrir à Plotin, cessa enfin ses maléfices.

Plotin avait une supériorité naturelle sur les autres hommes. Un prêtre égyptien, dans un voyage à Rome, fit connaissance avec lui par le moyen d’un ami commun. S’étant mis en tête de donner des preuves de sa sagesse, il pria Plotin de venir voir l’apparition d’un démon familier qui lui obéissait dès qu’il l’appelait. L’évocation devait avoir lieu dans une chapelle d’Isis : l’Égyptien assurait n’avoir trouvé que cet endroit qui fût pur dans Rome. Il évoqua donc son démon. Mais à sa place on vit paraître un dieu qui était d’un ordre supérieur à celui des démons, ce qui fit dire à l’Égyptien : « Vous êtes heureux, Plotin, vous avez pour démon un dieu au lieu d’un être d’un ordre inférieur. » On ne put faire aucune question au dieu ni le voir plus longtemps, un ami qui gardait les oiseaux[1] les ayant étouffés soit par jalousie, soit par crainte.

  1. Ces oiseaux servaient à l’opération magique.