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VIE DE PLOTIN

donna tout entier à la philosophie. On le présenta aux maîtres qui avaient alors le plus de réputation dans Alexandrie. Il revenait toujours de leurs leçons triste et découragé. Il fit connaître la cause de son chagrin à un de ses amis : celui-ci, comprenant ce qu’il souhaitait, le conduisit auprès d’Ammonius[1], que Plotin ne connaissait pas. Dès qu’il eut entendu ce philosophe, il dit à son ami : « Voilà celui que je cherchais » ; et depuis ce jour il resta assidûment près d’Ammonius. Il prit un si grand goût pour la philosophie qu’il se proposa d’étudier celle qui était enseignée chez les Perses et celle qui prévalait chez les Indiens. Lorsque l’empereur Gordien se prépara à faire son expédition contre les Perses, Plotin, alors âgé de trente-neuf ans, se mit à la suite de l’armée. Il avait passé dix à onze années entières près d’Ammonius. Gordien ayant été tué en Mésopotamie, Plotin eut assez de peine à se sauver à Antioche. Il vint à Rome à quarante ans, lorsque Philippe était empereur.

Hérennius, Origène[2], et Plotin étaient convenus de tenir secrète la doctrine qu’ils avaient reçue d’Ammonius. Plotin observa cette convention. Hérennius fut le premier qui la viola, ce qui fut imité par Origène. Ce dernier se borna à écrire un livre Sur les Démons ; et sous le règne de Gallien, il en fit un autre pour prouver que Le Roi est seul créateur [ou poëte][3].

  1. Ammonius Saccas enseigna avec éclat sous Macrin, Héliogabale et Alexandre Sévère. Voy. M. Vacherot, Histoire critique de l’École d’Alexandrie, t. I, p. 341-354.
  2. Quelques-uns, bien à tort, ont voulu retrouver dans cet Origène l’écrivain chrétien. La fausseté de cette conjecture est démontrée, entre autres raisons, par les titres des ouvrages que Porphyre lui attribue. Sur la distinction des deux Origène, Voy. H. De Valois, ad Eusebii Hist. eccl., VI, 14 ; Huet, in Origenianis.
  3. Ὅτι μίνος ποιητὴς ὁ βασιλεύς. Ce titre est assez obscur. Supposer, comme le fait H. De Valois, que ce livre ait été composé pour faire l’éloge du talent poétique d’un empereur tel que Gallien, c’est prêter une lâche flatterie à Origène. Il semble donc plus naturel de chercher à cette expression un sens philosophique et de regarder, avec Brucker et Creuzer, le mot βασιλεύς comme désignant Dieu créateur et roi de l’univers, ainsi qu’on le voit souvent dans Plotin. Dans ce cas, il faut traduire : « Le Roi