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VIE DE PLOTIN

fut très-ressemblant. Tout cela se passa sans que Plotin en eût connaissance.

II. Il était sujet à une affection chronique de l’estomac[1] ; cependant il ne voulut jamais prendre de remède, persuadé qu’il était indigne d’un homme âgé de se soulager par un tel moyen. Il ne prit non plus jamais de thériaque parce que, disait-il [loin de manger de la chair de bête sauvage, θηρίον], il ne mangeait pas même de la chair des animaux domestiques[2]. Il ne se baignait point, il se contentait de se faire frotter tous les jours chez lui ; ceux qui lui rendaient cet office étant morts de la peste qui faisait alors de grands ravages[3], il négligea de se faire frotter, et cette interruption lui causa une esquinancie : on ne s’en aperçut pas tant que je demeurai avec lui ; mais après que je l’eus quitté, son mal s’aigrit à un tel point que sa voix, auparavant belle et forte, était toujours enrouée ; en outre, sa vue se troubla, et il lui survint des ulcères aux pieds et aux mains. C’est ce que m’apprit à mon retour mon ami Eustochius, qui demeura avec lui jusqu’à sa mort. Ces incommodités ayant empêché ses amis de le voir avec la même assiduité, parce qu’il se serait fatigué en voulant, selon sa coutume, s’entretenir avec chacun d’eux, il quitta Rome et se retira en Campanie, dans un domaine qui avait appartenu à Zéthus[4], un de ses anciens amis qui était mort. Tout ce dont il avait besoin lui était fourni par la terre même de Zéthus, ou lui était apporté du bien que Castricius[5] possédait à Minturnes. Lorsqu’il fut près de mourir, Eustochius, qui

  1. Κοιλιαϰῷ. « In ipsius ventriculi porta consistit is morbus, qui et longus esse consuevit, et ϰοιλιαϰὸς à Græcis nominatur. » (Celse, De Medicina, IV, 12).
  2. « On appelait thériaque, θηριαϰὴ ἀντίδοτος, un médicament dans la composition duquel entraient non-seulement des simples tels que le pavot, la myrrhe, etc., mais encore de la chair de vipère, animal que les Grecs appelaient θηρίον par excellence. Nous avons été obligé d’ajouter ce qui est entre crochets pour faire comprendre l’antithèse qui est dans la pensée de Plotin et qui repose tout entière sur le mot thériaque, dérivé de θηρίον, bête sauvage ou venimeuse.
  3. Sous le règne de Gallien, en 262.
  4. Voy. § 7.
  5. Voy. aussi § 7. C’est à Castricius Firmus que