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CXXVI
SOMMAIRES.

Le rôle que la puissance de l’Âme joue dans l’univers donne lieu à plusieurs questions. On peut les résoudre par le développement du principe suivant : L’Âme gouverne l’univers par la Raison[1]. Comme la raison séminale de chaque individu comprend tous les modes de l’existence du corps qu’elle anime, et que la Raison totale de l’univers comprend les raisons séminales de tous les individus, il en résulte que gouverner l’univers par la Raison c’est, pour l’Âme, faire arriver à l’existence et développer successivement dans le monde sensible toutes les raisons séminales contenues dans la Raison totale de l’univers. Pour cela, elle n’a pas besoin de raisonner. Il lui suffit d’un acte d’imagination par lequel, tout en demeurant en elle-même, elle produit à la fois la matière et les raisons séminales qui, en façonnant la matière, constituent tous les êtres vivants. De là vient que toutes choses forment un ensemble harmonieux, et que même ce qui est moins bon concourt à la perfection de l’univers[2].

(XVII-XVIII) L’Âme universelle comprend deux parties analogues aux deux parties de l’âme humaine : ce sont la Puissance principale de l’Âme et la Puissance naturelle et génératrice. La Puissance principale de l’Âme contemple l’Intelligence divine et conçoit ainsi les idées ou formes pures dont l’ensemble constitue le monde intelligible. La Puissance naturelle et génératrice reçoit de la Puissance principale de l’Âme les idées sous la forme de raisons séminales, dont l’ensemble constitue la Raison totale de l’univers ; elle transmet ces raisons à la matière, et donne ainsi naissance à tous les êtres. Il en résulte que le monde sensible est fait à la ressemblance du monde intelligible, et que c’est une image qui se forme perpétuellement.


LIVRE IV.
DE LA MATIÈRE[3].

(§ I) Les philosophes s’accordent à définir la matière la substance, le sujet, le réceptacle des formes. Mais les uns [les Stoïciens] regardent la matière comme un corps sans qualité ; les autres [les Pythagoriciens, les Platoniciens, les Péripatéticiens] la croient incorporelle ; quelques-uns de ces derniers en distinguent deux espèces, la substance des corps ou matière sensible, et la substance des formes incorporelles ou matière intelligible.

  1. Pour la doctrine de Plotin sur l’action providentielle de l’Âme universelle et sur ses rapports avec l’âme humaine, Voy. p. 473-478.
  2. Voy. les Notes, p. 427-434.
  3. Pour les Remarques générales sur ce livre, Voy. les Notes, p. 481. Voici le jugement que K. Steinhart porte sur ce livre : « Plotinus recepit ab Aristotele ea quæ ille accuratius et subtilius Platone de materia et forma disputaverat, quod veræ totius doctrinæ Aristotelicæ fundamentum dicere possumus : nam nec materiam sine forma, nec sine materia formam aliquid esse rectissime cognoverat, et unam altera indigere, ut, utraque demum conjuncta, vera essentiæ notio expleatur. Plotinus hæc ita ampliflicavit, ut, Platonem cum Aristotele concilians, duplex istud omnium rerum