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CXXV
DEUXIÈME ENNÉADE, LIVRE III.

(VIII-X) L’Univers étant un animal un suppose un principe unique. Ce principe unique est l’Âme universelle qui fait régner dans l’univers l’ordre et la justice : l’ordre, parce qu’elle donne à chaque être un rôle conforme à sa nature ; la justice, parce qu’elle punit ou récompense les hommes par les conséquences naturelles de leurs actions. En effet, nous renfermons en nous deux puissances différentes, l’âme raisonnable et l’âme irraisonnable. Quand nous développons les facultés de l’âme raisonnable qui nous constitue essentiellement, alors nous nous affranchissons des passions par la vertu, nous nous élevons au monde intelligible par la contemplation, et nous sommes véritablement libres. Quand, au contraire, nous exerçons les facultés de l’âme irraisonnable plus que l’intelligence et la raison, alors nous nous égarons dans le monde sensible et nous sommes soumis à la fatalité, c’est-à-dire à l’action qu’exercent sur nous les circonstances extérieures, par conséquent, à l’influence des astres ; dans ce cas, nous partageons les passions du corps[1].

(XI-XII) Les maux que l’on voit ici-bas ne proviennent pas de la volonté des astres ; ils ont des causes diverses, telles que l’action des êtres les uns sur les autres, la résistance de la matière à la forme, etc.[2] La génération de l’homme ne s’explique pas non plus par l’influence seule des astres ; il faut y tenir compte du rôle des parents, des circonstances extérieures, de l’action de l’Âme universelle[3].

(XIII-XVI) Si l’on veut remonter au principe général de toutes les choses qui arrivent ici-bas, il faut dire : L’Âme gouverne l’Univers par la Raison, comme chaque animal est gouverné par la raison séminale qui façonne ses organes et les met en harmonie avec le tout dont ils sont des parties. Les raisons séminales de tous les êtres étant contenues dans la Raison totale de l’univers, il en résulte que tous les êtres sont à la fois coordonnés entre eux, parce qu’ils forment par leur concours la vie totale de l’univers, et subordonnés les uns aux autres, parce qu’ils occupent un rang plus ou moins élevé selon qu’ils sont animés ou inanimés, raisonnables ou irraisonnables. La richesse et la pauvreté, la beauté et la laideur, etc., proviennent du concours des circonstances extérieures et des causes morales. C’est sous ce rapport que l’homme est soumis à la fatalité ; il s’en affranchit, quand il exerce les facultés qui le constituent essentiellement. Pour bien comprendre ce point, il faut résoudre les questions suivantes : 1° Qu’est-ce que séparer l’âme du corps ?qu’est-ce que l’Animal ? qu’est-ce que l’Homme[4] ? Elles seront discutées ailleurs[5].

  1. Pour les explications qui sont nécessaires à l’intelligence de la doctrine de Plotin sur la liberté et la fatalité, la vertu et le vice, la récompense et la punition de l’âme humaine, Voy. p. 464-468.
  2. Les diverses causes des maux physiques sont énumérées p. 468.
  3. Sur la génération de l’homme, Voy. p. 475-478. Les diverses hypothèses des anciens sur la génération de l’homme sont énumérées par Jamblique dans un fragment de son traité De l’Âme (Stobée, Eclogœ physicœ, i, 52, p. 912, éd. Heeren).
  4. Voy. les Notes, p. 380-385.
  5. Voy. Enn. I, liv. i.