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CXVII
PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE V.

(XI-XII) La volonté de l’homme vertueux a pour seul but la conversion de l’âme vers elle-même, abstraction faite des objets extérieurs. Son plaisir consiste dans une douce sérénité. Ses actions peuvent varier avec les vicissitudes de la fortune, mais ne sauraient être entravées par elle, parce que rien ne peut enlever à l’intelligence la contemplation du Bien.

(XIV-XV) Le bonheur est le privilége de l’âme raisonnable. Il est donc indépendant de toutes les choses qui n’agissent que sur le corps ou sur l’âme irraisonnable, qui ne se rapportent ni à la sagesse, ni à la vertu, ni à la contemplation du Bien. Le sage doit être impassible, sans cependant rester étranger à l’amitié.

(XVI) Le bonheur n’est donc point placé dans la vie du vulgaire. Pour devenir sage et heureux, il faut, comme le dit Platon, quitter la terre pour s’élever au Bien et tâcher de lui devenir semblable[1].


LIVRE CINQUIÈME.
LE BONHEUR S’ACCROÎT-IL AVEC LE TEMPS ?

Ce livre est le complément du précédent. L’auteur y pose et y résout dix questions qui sont destinées à éclaircir quelques-uns des points traités dans le livre iv[2].

(§ I) Le bonheur ne s’accroît pas avec le temps parce qu’il consiste dans le présent, c’est-à-dire dans la contemplation de l’intelligible, contemplation qui n’admet point la distinction du passé et du futur. (II-IV) Il ne faut donc point placer le bonheur dans la satisfaction du désir de vivre et d’agir, ni croire que c’est un avantage de contempler plus longtemps le même spectacle ou de jouir plus longtemps du plaisir que procure cette contemplation. (V-VI) La durée n’influe sur le bonheur et sur le malheur qu’autant qu’elle permet de faire un progrès dans la vertu ou qu’elle accroît la gravité du mal dont on souffre.

  1. Voy. S. Basile, Homélie sur le précepte : Observe-toi toi-même, § 3, 7.
  2. Pour les Remarques générales et les Éclaircissements sur ce livre, Voy. les Notes, p. 419-430. Sénèque a traité le même sujet dans ses Lettres à Lucilius, 92.