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CXV
PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE IV.


LIVRE TROISIÈME.


DE LA DIALECTIQUE
OU DES MOYENS D’ÉLEVER L’ÂME AU MONDE INTELLIGIBLE[1].


L’objet de ce livre est d’exposer par quelle méthode peut s’opérer le retour de l’âme au monde intelligible.

(§ I) Celui qu’on veut élever au monde intelligible doit, lors de la première génération, être descendu ici-bas pour former un Musicien, un Amant ou un Philosophe[2].

Le Musicien est sensible à la beauté de la voix et des accords. Il est nécessaire de lui apprendre à distinguer, dans les rhythmes et les chants qui le charment, la matière de la forme, les simples sons de l’harmonie intelligible, dont la conception le conduira, avec l’aide du raisonnement, à reconnaître des vérités qu’il ignorait tout en les possédant instinctivement.

(II) L’Amant a quelque réminiscence du beau. On lui enseignera à ne pas se contenter d’admirer un seul corps, à reconnaître la beauté dans tous les corps où elle se trouve, à la distinguer même dans les arts, les sciences et les vertus ; puis des vertus on l’élèvera à l’Intelligence et à l’Être.

(III) Quant au Philosophe, il suffit de lui indiquer la route à suivre pour s’élever au monde intelligible : on lui enseignera d’abord les Mathématiques, puis la Dialectique.

(IV-V) La Dialectique est la science qui étudie l’être véritable et le non-être, le bien et son contraire. Au moyen de la méthode platonicienne, elle discerne les idées, définit les objets, s’élève aux premiers genres des êtres, descend des principes aux conséquences ou remonte des conséquences aux principes. Elle est fort supérieure à la Logique qui ne traite que des propositions et des arguments. Tirant ses principes de l’intelligence, elle saisit par intuition l’être réel en même temps que l’idée, et ne s’occupe qu’accidentellement de l’erreur ainsi que du sophisme[3].

(VI) La Dialectique est la partie la plus éminente de la Philosophie. La Physique a besoin de son secours et la Morale lui emprunte ses principes. Sans la sagesse, que donne la Dialectique, on ne saurait s’élever des vertus inférieures aux vertus parfaites[4].

  1. Pour les Remarques générales et les Éclaircissements sur ce livre, Voy. les Notes, p. 404.
  2. Pour les emprunts que Plotin a faits à Platon sur ce sujet, Voy. p. 404-406.
  3. Sur la Dialectique, sur la méthode de Platon et celle d’Aristote, Voy. p. 406-411. Voy. aussi la dissertation de K. Steinhart, De Dialectica plotiniana, p. 14.
  4. Sur les rapports de la Dialectique avec la Morale, Voy. ci-après, p. 39-401.