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CXIII
PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE II.

(XIII) Le principe qui examine et résout toutes les questions précédentes, c’est le principe que nous appelons Nous, c’est-à-dire l’âme, qui se considère elle-même par la réflexion[1].

Quant à l’intelligence, elle est nôtre en ce sens que l’âme est intelligente ; mais la vie intellectuelle est pour nous une vie supérieure[2].


LIVRE DEUXIÈME.
DES VERTUS[3].

Dans ce livre, Plotin a pour but d’expliquer comment nous devenons semblables à Dieu par la vertu, dont il distingue quatre espèces : vertus civiles, vertus purificatives, vertus de l’âme purifiée, vertus exemplaires.

(§ I-II) Nous devenons semblables à Dieu par la vertu[4], quoique Dieu ne possède pas lui-même la vertu. On ne saurait en effet lui attribuer la première espèce de vertus, les vertus civiles : la prudence, qui se rapporte à la partie raisonnable de notre être, le courage, qui se rapporte à la partie irascible, la tempérance, qui est l’accord de la partie concupiscible et de la raison, la justice, qui consiste dans accomplissement par toutes ces facultés de la fonction propre à chacune d’elles[5]. Cependant ces vertus nous rendent semblables à Dieu parce que, réglant nos appétits et nous délivrant des fausses opinions, elles donnent une mesure à notre âme comme une forme à une matière, et nous font participer ainsi à l’essence intelligible.

    Plotin s’exprime d’une manière dubitative au sujet de la chute de l’âme et de la métempsycose : « Plotinus eo videtur inclinare ut omnem illam doctrinam et de animarum migratione et de primo earum lapsu, quæ mali fuerit origo, in dubitationem vocare audeat ; qua in re Platonis mentem multo rectius profecto perspexit quam reliqui omnes, qui illis temporibus et ante illum et post eum Platonici nominabantur. » (Meletemata plotiniana, p. 17.) Il y a plus : dans son livre De la Descente de l’âme dans le corps, Plotin critique formellement la doctrine de Platon sur la chute de l’âme ; il écrit même ces paroles très-remarquables : « L’âme, étant un dieu inférieur, descend ici-bas par suite d’une inclination volontaire, dans le but d’exercer sa puissance et d’orner ce qui est au-dessous d’elle. Si elle fuit promptement d’ici-bas, elle n’a pas à regretter d’avoir pris connaissance du mal et de savoir quelle est la nature du vice, ni d’avoir manifesté ses facultés et fait voir ses actes et ses œuvres. Les facultés de l’âme seraient inutiles si elles sommeillaient toujours dans l’essence incorporelle sans passer à l’acte. L’âme ignorerait elle-même ce qu’elle possède, si ses facultés ne se manifestaient pas par la procession : car c’est l’acte qui partout manifeste la puissance ; celle-ci, sans cela, serait complètement cachée et obscure, ou plutôt elle n’existerait pas et ne posséderait pas de réalité. » (Enn. IV, liv. viii, § 5.)

  1. Voy. Conscience, p. 352-355.
  2. Voy. Rapports de la Sensibilité, de la Raison discursive et de l’Intelligence, p. 326-330.
  3. Pour les Remarques générales et les Éclaircissements sur ce livre, Voy. les Notes à la fin du volume, p. 387.
  4. Voy. p. 427, le passage du Théétète de Platon auquel Plotin fait allusion.
  5. Voy., p. 397, le passage de la République de Platon auquel Plotin a emprunté la définition qu’il donne de ces quatre vertus. Il est également nécessaire de rapprocher de ce livre le commentaire qu’en a donné Porphyre dans ses Principes de la théorie des intelligibles (§ I, p. li) et le résumé qu’en a fait Macrobe (résumé cité p. 401-403 de ce volume).