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CIV
FRAGMENTS DE NUMÉNIUS.

assied comme au gouvernail, ainsi qu’un pilote sur un vaisseau battu par la tempête ; il dirige cette harmonie en la gouvernant par les idées, et au lieu de porter ses regards sur le ciel, c’est sur le Dieu suprême qu’il les fixe ; et il puise dans cette contemplation la sagesse, et dans son désir, la puissance active. (Prép. évang., XI, 18.)

Si l’essence et l’idée sont l’intelligible, si l’intelligence est antérieure à l’essence, si elle en est la cause, l’intelligence est le Bien. Si le Démiurge est le principe de la génération, le Bien est le principe de l’essence. Il y a analogie entre le Bien et le Démiurge qui l’imite, comme entre l’essence et la génération qui en est l’image. Si le Démiurge de la génération est bon, le Démiurge de l’essence sera le Bien absolu naturellement uni à l’essence. Le second Dieu, étant double lui-même, crée son idée et le monde ; il est Démiurge et ensuite se livre à la contemplation. Pour parvenir à distinguer les quatre choses dont nous avons parlé, nous les désignerons de la manière suivante : le premier Dieu est le Bien absolu ; son image est le Démiurge bon ; ensuite vient l’essence qui diffère dans le premier Dieu et dans le second Dieu ; enfin l’image de l’essence du second Dieu est le monde embelli par sa participation au beau…

Tous les êtres qui participent du Bien ne participent de lui qu’en une seule chose, la sagesse. C’est le seul avantage qu’ils retirent de la présence du Bien. La sagesse est le privilége du premier. Vouloir chercher hors de lui la cause qui embellit les autres êtres et qui les rend bons, lorsque cette cause réside en lui seul, ce serait le propre d’un insensé…

Dans la République, Platon appelle le Bien idée du Bien, pour dire que le Bien est l’idée du Démiurge qui, ainsi que nous l’avons reconnu, n’est bon que parce qu’il participe du Premier et de l’Un. De même que les hommes ont été façonnés par l’idée de l’homme et les bœufs par l’idée du bœuf, de même, le Démiurge n’étant bon que parce qu’il participe du Bien suprême, son idée est l’intelligence suprême, c’est-à-dire le Bien absolu[1]. (Prép. évang., XI, 22.)


  1. Pour connaître l’opinion de Numénius sur la doctrine de Platon, Voy. les fragments de son traité De l’infidélité des Académiciens à l’égard de Platon (Eusèbe, Prép. évang., XIV, 5-9).