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TRAITÉ DU BIEN.

Dans ce cas, ce ne saurait être autre chose que l’incorporel : car c’est la seule nature qui soit permanente, invariable et qui n’ait rien de corporel. C’est pourquoi l’incorporel n’est pas engendré, ne prend pas d’accroissement, ne se meut d’aucune manière, et l’on a raison de lui accorder le premier rang. (Prép. évang., XV, 17.)

De l’être véritable et incorporel.

Élevons-nous à l’être véritable, autant que notre intelligence le peut, et disons que la distinction du passé et du futur ne lui convient pas. Il existe toujours dans un temps déterminé, le seul présent. Si l’on veut appeler ce présent éternité, j’y consens. Le passé, en nous fuyant, a disparu sans retour dans le néant, tandis que le futur n’est pas encore, et s’annonce seulement comme pouvant arriver à être. Il n’est donc pas raisonnable de penser que l’être n’existe pas d’une manière immuable, que tantôt il n’est plus et que tantôt il n’est pas encore : ce serait admettre une impossibilité, ce serait dire que la même chose est et n’est pas tout ensemble. Or, rien ne pourrait réellement exister si l’être lui-même ne possède point l’existence absolue : car le propre de l’être est d’être éternel, immobile, immuable, identique, de ne pouvoir naître ni périr, croître ou décroître, augmenter ou diminuer. Par conséquent, il ne peut changer de lieu, il ne peut se mouvoir ni en avant, ni en arrière, ni en haut ni en bas, ni à droite ni à gauche, ni circulairement. Il est au contraire fixe, ferme, immobile et toujours identique…

Tout ceci n’est qu’un préambule, et, pour ne rien dissimuler, j’avouerai que je n’ignore pas quelle est la valeur du nom d’incorporel. En effet, j’aime mieux parler maintenant que de garder le silence. Je dirai donc que le nom d’incorporel est ce que nous cherchons depuis longtemps à définir. Et qu’on ne se prenne pas à rire si je dis que le vrai nom de l’incorporel est l’essence et l’être. La raison en est que l’être n’est sujet ni à la génération, ni à la corruption ; qu’il n’est susceptible ni d’altération ni de perfectionnement ; qu’il répugne à tout mouvement et à tout changement ; qu’il est simple et invariable, persistant toujours dans la même essence, et ne sortant jamais de son identité ni par sa volonté propre ni par l’intervention d’une cause étrangère. (Prép. évang., XI, 10.)

Le premier Dieu et le Démiurge.

Le premier Dieu demeure en lui-même ; il est simple, parce que, concentré tout entier en lui-même, il ne peut subir aucune divi-