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VIE DE PLINE LE JEUNE

que l’on s’abstenait des actions louables, on méprisait la louange. Il avait pour maxime, que la seule ambition convenable à un honnête homme, c’était, ou de faire des choses dignes d’être écrites, ou d’écrire des choses dignes d’être lues. Il ne dissimulait point que l’approbation des bons juges du mérite le touchait ; il ne cachait point la passion qu’il avait de plaire à la postérité, il lui faisait publiquement sa cour dans ses écrits ; il avouait qu’il serait bien aise d’obtenir une place dans l’histoire. En un mot, il allait à visage découvert à l’immortalité.

Cet amour de la réputation l’a fait accuser de vanité : si c’est avec raison, chacun en jugera. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il ne courut à la gloire que sur les pas de la vertu. S’il chercha le plus grand jour, il n’y porta qu’une conscience pure et nette : s’il brigua les louanges, il prit soin de les mériter.

On lui reproche de parler souvent de lui ; mais on ne peut au moins lui reprocher de ne parler que de lui. Loin d’avoir fondé sa réputation sur le mépris des autres, jamais homme ne prit plus de plaisir à vanter le mérite d’autrui ; il en saisissait les moindres occasions, et il le publiait avec une abondance de paroles, que l’esprit ne fournit point, et qui ne peut couler que du cœur. Il ne mit pas la délicatesse du goût à ne trouver rien de bon. Sa colère s’allumait, quand il rencontrait des gens de ce caractère, à la lecture des pièces où il était invité. Comme l’admiration lui paraissait un bien commun, et dont le fonds était inépuisable, il ne croyait pas que l’on prît rien du sien, quand on distribuait aux autres la part qui leur en était due, et ils avaient toujours sujet d’être contens du partage qu’il leur en faisait. Sans craindre d’être devancé, il animait généreusement ceux qui cou-