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VIE DE PLINE LE JEUNE

main ; il va trouver Àrtémidore, l’un des plus célèbres d’entre eux, jusque dans une maison qu’il avait aux portes de la ville : pendant que de riches et puissans amis veulent ignorer le besoin que ce philosophe avait de grosses sommes, pour acquitter des dettes honorables, Pline emprunte ces sommes et les lui donne.

Il ne faut pas douter qu’une vertu si peu timide, dans une cour aussi corrompue, ne lui eût été funeste ; mais la mort imprévue de Domitien mit en sûreté ce qui restait de gens de bien à Rome. Pline était trop redoutable aux délateurs pour leur échapper : on trouva une accusation toute prête contre lui, parmi les papiers de Domitien ; et Pline n’évita le coup que par celui qui tomba sur ce prince.

Aussi les révolutions étaient si étranges et si fréquentes en ces temps-là, que l’on voyait subitement l’empire passer des mains les plus pures dans les plus infâmes. La même vertu qui avait conduit aux honneurs, poussait tout à coup dans le précipice. Pline l’éprouva plus qu’un autre ; et c’est ce qui lui fit dire, que les belles-lettres l’avaient élevé ; que les belles-lettres l’avaient abaissé ; et qu’enfin les belles-lettres l’avaient relevé.

Il ne s’acquitta pas moins dignement des autres charges sous de meilleurs règnes. Il fut tribun du peuple, préfet du trésor public, consul, gouverneur de Bithynie et de Pont, commissaire de la voie Émilienne, et enfin augure, espèce de dignité sacerdotale qui ne se perdait qu’avec la vie.

C’était depuis long-temps la coutume que le consul, à l’entrée de son consulat, après avoir remercié le prince, proposât au sénat de lui décerner quelque nouvel honneur. Moins les empereurs de ce temps-là en étaient