Combien je me félicite de n’avoir jamais fait aucune convention pécuniaire pour mes plaidoyers, et d’avoir refusé toute espèce de présens, même les plus légers ! Il est vrai qu’on doit éviter le mal, non parce qu’il est défendu, mais par cela seul qu’il est mal. On trouve pourtant je ne sais quelle satisfaction, à voir défendre publiquement ce que l’on ne s’est jamais permis. Il y aura peut-être (et il n’en faut même pas douter), il y aura moins d’honneur et moins de gloire dans mon procédé, lorsque tout le monde sera forcé d’imiter mon désintéressement volontaire : en attendant, je jouis du plaisir d’entendre les uns m’appeler devin[1], les autres me dire, en plaisantant, qu’on a voulu réprimer mon avarice et mes rapines. Adieu.
J’étais à Côme, quand j’ai appris que Cornutus avait reçu la mission de surveiller les travaux de la voie Émilienne[2]. Je ne puis vous exprimer combien j’en suis satisfait, tant pour lui que pour moi : pour lui, parce que, malgré sa modestie qui fuit les honneurs, il doit cependant être flatté d’une distinction qui est venue le chercher ; pour moi, parce que la gloire d’avoir été chargé des mêmes fonctions que Cornutus en double le prix à mes yeux. Car, s’il est flatteur d’être élevé en dignité, il ne l’est pas moins d’être égalé aux gens de bien ; et où trouver un homme meilleur, plus vertueux que Cornutus ?
- ↑ D’entendre les uns m’appeler devin, etc. Allusion à la dignité d’augure dont il était revêtu. D. S.
- ↑ Surveiller les travaux de la voie Émilienne. Cette surveillance était autrefois dans les attributions spéciales des censeurs : les empereurs, d’après l’exemple d’Auguste, la confiaient à des consulaires. Pline avait la surveillance, non de la voie Émilienne construite par Emilius Lepidus, et qui allait de Plaisance à Rimini, mais du lit et des rives du Tibre, ainsi que des égoûts de Rome.