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LETTRES DE PLINE. LIV. V.

récits étrangers, ce n’est pas ma lettre, c’est la maison elle-même qui est grande.

Je reviens à mon sujet, pour ne pas être condamné par mes propres règles, en faisant une digression trop longue. Vous voilà instruit des raisons que j’ai de préférer ma terre de Toscane à celles que j’ai à Tusculum, à Tibur, à Préneste. Outre tous les autres avantages dont je vous ai parlé, le loisir y est plus complet, plus sûr, et par conséquent plus doux[1] : point de cérémonial à observer[2] : les fâcheux ne sont point à votre porte : tout y est calme et paisible ; et ce profond repos ajoute encore à la salubrité du climat, à la sérénité du ciel, à la pureté de l’air[3]. Là, se fortifient à la fois mon corps et mon esprit : j’exerce l’un par la chasse, l’autre par l’étude. Mes gens aussi jouissent dans ce lieu d’une santé parfaite, et, grâce au ciel, je n’ai jusqu’ici perdu aucun de ceux que j’ai amenés avec moi. Puissent les dieux me continuer toujours la même faveur, et conserver toujours à ce lieu les mêmes priviléges ! Adieu.


VII.
Pline à Calvisius.

Il est certain que l’on ne peut, ni instituer l’état héritier, ni rien lui léguer[4]. Cependant Saturninus qui m’a fait son héritier, lègue à notre patrie un quart de sa succession, et ensuite fixe ce quart à une somme de quatre cent mille sesterces. Si l’on consulte la loi, le legs est nul. Si l’on s’en tient à la volonté du testateur,

  1. Le loisir y est plus complet, etc De Sacy avait rendu cette phrase avec une liberté, qui en altérait le sens : On y jouit d’un loisir d’autant plus sûr et d’autant plus tranquille, que les devoirs ne viennent point vous y relancer. C’est supprimer entièrement la relation d’idées altius eoque securius.
  2. Point de cérémonial à observer. Il y a dans le texte de Pline : « Point de nécessité de prendre la toge. » Il n’était indispensable de la prendre qu’à la ville et au barreau. Martial compte l’avantage de ne la porter que rarement (toga rara), au nombre des choses qui font le bonheur de la vie (x, 47).
  3. Et ce profond repos ajoute encore, etc. Voici un nouveau contresens de De Sacy : il traduit : Et comme la bonté du climat y rend le ciel plus serein et l’air plus pur, je m’y trouve aussi le corps plus sain et l’esprit plus libre. Cette liaison d’idées n’est point dans le texte, et il y a dans la première une relation totalement supprimée par le traducteur : ce profond repos (quod ipsum) ajoute à la salubrité du climat (accedit salubritati regionis), comme ajouterait un ciel encore plus serein, un air encore plus pur.
  4. Il est certain que l’on ne peut, etc. De Sacy traduisait : Instituer une ville héritière. Il y a rempublicam dans le latin, et l’on ne peut y substituer celui de ville ; la république, l’état, était incapable de recueillir une succession, tandis que les villes, les communautés et toutes les corporations pouvaient être instituées héritières : il est ici question de Côme, considérée comme état particulier, et non comme ville dépendante. Quant au mot præcipere, il n’indique qu’une manière de léguer : l’auteur prend le mode pour la chose ; au lieu de dire qu’on ne peut faire un legs à l’état, il dit qu’on ne peut disposer per præceptionem. Il y avait chez les Romains quatre manières de faire un legs ; l’action qu’avait le légataire pour se faire payer variait, suivant la formule suivie par le testateur : mais ici tout cela est indifférent, puisqu’on ne veut dire autre chose, sinon que le légataire est incapable de recueillir le legs.