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En hiver, l’air y est froid et glacé ; le climat ne convient ni aux myrtes, ni aux oliviers, ni aux autres espèces d’arbres qui ont besoin d’une chaleur continuelle. Cependant il y vient des lauriers, dont l’éclat même se conserve long-temps : s’ils meurent quelquefois, ce n’est pas plus souvent qu’aux environs de Rome. L’été y est d’une douceur merveilleuse : un souffle rafraîchissant ne cesse d’agiter l’air ; mais, presque toujours, c’est moins du vent qu’une haleine bienfaisante. Aussi les vieillards y sont-ils nombreux : là, on voit les aïeuls et les bisaïeuls de jeunes gens déjà formés : là, on entend raconter de vieilles histoires, et on retrouve les conversations d’autrefois[1]. Quand vous êtes dans ce lieu, vous vous croyez d’un autre siècle.

La disposition du terrain est on ne peut, plus belle. Imaginez-vous un amphithéâtre immense, tel que la nature seule peut le faire, une vaste plaine, environnée de montagnes chargées sur leurs cîmes de bois très-hauts et très-anciens : le gibier de toute espèce y abonde. Des taillis couvrent la pente des montagnes. Entre ces taillis sont des collines, d’un terroir si bon et si gras, qu’il serait difficile d’y trouver une pierre, quand même on l’y chercherait. Leur fertilité ne le cède point à celle de la plaine ; et si les moissons y sont plus tardives, elles n’y mûrissent pas moins. Au pied de ces montagnes, le long du coteau, se prolongent des pièces de vignes, qui semblent se toucher et n’en former qu’une seule. Ces vignes sont bordées par quantité d’arbrisseaux. Ensuite sont des prairies et des terres labourables, si fortes, que les meilleures charrues et les bœufs les plus vigoureux ont peine à en ouvrir le sol. Comme la terre est très-compacte, le fer ne peut

  1. On y entend, etc. Il y avait dans le traducteur : « Rien n’est plus commun que d’y voir des jeunes gens qui ont encore leurs grands pères et leurs bisaïeux, que d’entendre ces jeunes gens raconter de vieilles histoires qu’ils ont apprises de leurs ancêtres. » Ce ne sont pas les jeunes gens qui racontent ; ce sont les vieillards eux-mêmes. Le contresens de De Sacy est une suite naturelle du tour qu’il a donné au premier membre de phrase. Il ne devait pas traduire « on Voit des jeunes gens qui ont leurs grands pères, etc. ; » il fallait dire, comme dans le latin, «on y voit les aïeux et les bisaïeux de jeunes gens déjà formés. »