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VIE DE PLINE LE JEUNE

C’est ainsi, qu’à son retour de Syrie, il s’occupait à Rome, dans ses premières années, lorsque son oncle, alors âgé de cinquante-six ans, fut obligé d’aller du côté de Naples, pour y commander la flotte que les Romains avaient à Misène. Pline le Jeune l’y accompagna, et le perdit par la plus tragique de toutes les aventures.

Un nuage extraordinaire que l’on découvrit de Misène, fit juger à Pline le naturaliste que le mont Vésuve, plus embrasé qu’à l’ordinaire, causait aux environs quelque désordre. Il voulut s’en éclaircir de plus près, soit pour y remédier, s’il avait deviné juste, soit pour satisfaire sa curiosité, si ce n’était qu’un jeu de la nature. Il monte sur une frégate ; il tire vers le lieu d’où le nuage venait, et reconnaît bientôt que le plus affreux débordement de feu dont jamais on eût entendu parler, jetait partout l’épouvante et la consternation. Loin de se retirer, il ne songea qu’à rassurer les autres par son exemple, et à s’instruire plus exactement lui-même par ses propres yeux. Mais dans ce dessein, s’étant trop avancé, la fumée le suffoqua.

Cette horrible désolation ne se fit pas moins sentir à Misène, où Pline le Jeune était demeuré, et il n’y montra pas moins de courage. Il n’avait alors que dix-huit ans. À cet âge, il est aussi naturel d’aimer la vie que de s’alarmer dans le danger. Cependant, au fort du tremblement de terre, il poussa la constance jusqu’à lire tranquillement Tite-Live, comme si, dans une pareille conjoncture, il n’avait eu rien de plus à craindre que de perdre du temps. Mais ce qui fut encore plus glorieux pour lui, c’est que ni les prières, ni les larmes de sa mère ne le purent obliger de la quitter, et qu’il aima mieux se livrer à toutes les horreurs d’une mort qui pa-