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L’on soutenait qu’il n’avait pu s’attribuer cette autorité. Il plaida lui-même avec autant de succès que d’éloquence. Ce qui ajouta à l’éclat de sa défense, c’est que, dans une question qui le touchait spécialement, il parla en Romain, en bon citoyen, avec sagesse et dignité. Lorsqu’on recueillit les avis, Junius Mauricus, dont rien n’égale la fermeté et la sincérité, ne se contenta pas de dire, qu’il ne fallait pas rétablir ces spectacles à Vienne ; il ajouta : Je voudrais même qu’on pût les supprimer à Rome.

C’est, direz-vous, montrer beaucoup de hardiesse et de force ; mais cela n’est pas surprenant dans Mauricus[1]. Ce qu’il dit à la table de Nerva n’est pas moins hardi. Cet empereur soupait avec un petit nombre de ses amis. Veiento[2] était près de lui, et même penché sur son sein : vous nommer le personnage, c’est vous en dire assez. La conversation tomba sur Catullus Messalinus, qui, naturellement cruel, avait, en perdant la vue, achevé de perdre tout sentiment d’humanité[3]. Il ne connaissait plus ni respect, ni honte, ni pitié. Il était, entre les mains de Domitien, comme le trait qui part et frappe aveuglément, et cet empereur barbare le lançait le plus souvent contre les citoyens vertueux. Chacun, pendant le souper, s’entretenait de la scélératesse de Messalinus et de ses conseils sanguinaires. Alors Nerva prenant la parole : Que pensez-vous, dit-il, qu’il lui fût arrivé, s’il vivait encore ? — // souperait avec nous, répondit hardiment Mauricus[4].

Je me suis écarté, mais non pas sans dessein. On prononça la suppression de ces jeux, qui n’avaient fait que corrompre les mœurs de Vienne, comme nos jeux corrompent les mœurs de l’univers. Car les vices des Vien-

  1. Dans Mauricus. J’ai lu avec Schæfer hoc Maurico au lieu de hoc a Maurico.
  2. Veiento. Juvénal cite plus d’une fois ce célèbre adulateur, sat. iii, 185 ; sat. iv, 113.
  3. Catullus Messalinus, qui, etc. Juvénal, sat. iv, 113, l’associe à Veiento : Et cum mortifero prudens Veiento Catullo, Qui nunquam visæ flagrabat amore puellæ, Grande et conspicuum nostro quoque tempore monstrum, Cæcus adulator, dirusque a ponte satelles, Dignus Aricinos qui mendicaret ad axes ; Blandaque devexæ jactaret basia rhedæ. Il est possible que ce Catullus soit le gouverneur de Cyrénaïque, dont l’historien Josephe dénonce la barbarie contre les Juifs, et raconte la triste fin (voyez De bello Jud. 7) : les temps, les noms, les caractères se prêtent à cette conjecture. Tacite, dans l’ Agricola, 45, cite un Messalinus comme l’un des opprobres du règne de Domitien. — J’ai lu, avec Schæfer, orbatus au lieu de captus, qui a moins de justesse.
  4. Il souperait avec nous, etc. C’était une censure hardie dela facilité de Nerva, qui admettait à sa table un vil flatteur commeVeiento.