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drait-il ajouter à ce que vos enfans vous coûtent ailleurs, où il faut tout payer, voyage, nourriture, logement ; car tout s’achète, lorsqu’on n’est pas chez soi. Moi, qui n’ai point encore d’enfans, je suis tout prêt, en faveur de notre patrie commune, que j’aime avec la tendresse d’un fils ou d’un père, à donner le tiers de la somme que vous voudrez mettre à cet établissement. J’offrirais bien la somme entière, mais je craindrais que cette dépense, qui ne serait à charge a personne, ne rendit tout le monde moins circonspect dans le choix des maîtres ; que la brigue seule ne disposât des places ; et que chacun de vous ne perdît tout le fruit de ma libéralité : c’est ce que je vois en divers lieux oh l’on a fondé des chaires de professeurs. Je ne sais qu’un moyen de prévenir ce désordre : c’est de ne confier qu’aux pères le soin d’engager les maîtres, et de les obliger à bien choisir, par la nécessité de la contribution. Car ceux qui peut-être ne seraient pas fort attentifs au bon usage du bien d’autrui, veilleront certainement à ce que leur propre bien ne soit pas mal employé[1] ; et ils n’oublieront rien pour mettre en bonnes mains le fonds que j’aurai fait, s’ils ont eux-mêmes contribué à le faire. Prenez donc une résolution commune ; unissez vos efforts, et réglez-les sur les miens. Je souhaite sincèrement que la part que je devrai fournir soit considérable. Vous ne pouvez rien faire de plus avantageux à vos enfans, rien de plus agréable à votre patrie. Que vos enfans reçoivent l’éducation[2] au lieu même où ils ont reçu la naissance. Accoutumez-les dès l’enfance à se plaire, à se fixer dans leur pays natal. Puissiez-vous choisir de si excellens maîtres, que leur réputation peuple vos écoles ; et que, par un heureux re-

  1. Veilleront certainement à ce que, etc. Tous les textes portent ne. . . . non nisi dignus accipiat : il y a évidemment une négation de trop. Heusinger a cité plusieurs exemples, où deux négations sont employées pour une seule, et il renvoie à Brouckus, Tibull. ii , 15, 2 ; à Oudendorp, Cœs. bell. Gall. v , 23, etc. , où l’on a recueilli un grand nombre de phrases de ce genre. Mais Schœfer ne pense pas qu’un de ces exemples puisse justifier la phrase de Pline, et il propose, comme Gesner, de substituer ut à ne.
  2. Reçoivent l’éducation. Nous avons préféré edoceantur à educentur : il s’agit ici d ’instruction, et non d’ éducation. On distingueen latin educari, de edoceri ou erudiri. Cornel. Nep. , Alcib. II , 1 : Educatus est in domo Periclis eruditus a Socrate.