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en cela, comme en toutes choses ; il voulut parler après deux hommes consulaires, après deux orateurs éloquens, et il parla longuement : il plaida non-seulement jusqu’à la nuit, mais bien avant dans la nuit, à la lueur des flambeaux. Le lendemain, Titius Homullus et Fronton parlèrent pour Bassus, et firent des prodiges. Le quatrième jour, les témoins furent entendus, et on opina. Bébius Macer, consul désigné, déclara Bassus convaincu de péculat. Cépion fut d’avis, que Bassus conservât son rang dans le sénat[1], et qu’on renvoyât l’affaire devant les juges ordinaires. Tous deux avaient raison. Comment cela peut-il être, dites-vous, dans une si grande contrariété de sentimens ? c’est que Macer s’en tenait à la lettre de la loi ; et que, suivant la rigueur de cette loi, on ne pouvait se dispenser de condamner celui qui l’avait violée en recevant des présens. Cépion, au contraire, persuadé que le sénat peut étendre ou modérer la rigueur des lois, comme effectivement il le peut, croyait avoir droit de pardonner une prévarication autorisée par l’usage. L’avis de Cépion l’emporta. Il fut même prévenu, dès qu’il se leva pour opiner, par ces acclamations, qui ne se font entendre ordinairement que lorsqu’on se rasseoit, après avoir opiné : jugez des applaudissemens qui suivirent son discours, par ceux qui le précédèrent.

Cependant sur cette affaire, Rome n’est pas moins partagée que le sénat. Les uns accusent Macer d’une sévérité mal entendue ; les autres reprochent à Cépion une faiblesse qui choque toutes les bienséances. Comment comprendre, disent-ils, qu’un homme renvoyé devant des juges, puisse garder sa place dans le sénat !

  1. Conservât son rang, etc. C’est ainsi que j’ai entendu salva dignitate. De Sacy avait traduit, que sans toucher à l’honneur de Bassus, on civilisât l’affaire, etc. Ce qui m’a déterminé, c’est la phrase que j’ai trouvée plus bas : Negant congruens esse retinere in senatu, cui judices dederis.