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LETTRES DE PLINE. LIV. II.

Helvidius n’étaient plus : Mauricus, Gratilla, Arria, Fannia, avaient été bannis. La foudre tombée tant de fois autour de moi semblait menacer ma tête du même sort. Cependant je ne crois pas avoir mérité la gloire qu’il m’accorde : je n’ai fait qu’éviter la honte. Songez que C. Musonius, son beau-père, outre l’admiration qu’il excitait en moi, m’avait encore inspiré une tendresse aussi vive que pouvait le permettre la distance de nos âges : songez qu’Artémidore lui-même était déjà l’un de mes plus intimes amis, quand je servais, en qualité de tribun, dans l’armée de Syrie. C’est le premier témoignage que j’aie donné d’un assez heureux naturel, de montrer du goût pour un sage, ou du moins pour un homme qui ressemble si fort à ceux que l’on honore de ce nom : il est certain, qu’entre tous nos philosophes, vous en trouverez difficilement un ou deux aussi sincères, aussi vrais que lui. Je ne vous parle point de son courage à supporter l’excès de la chaleur et du froid. Je ne vous dis point qu’il est infatigable dans les plus rudes travaux ; que les plaisirs de la table lui sont inconnus, et qu’il ne permet pas plus à ses yeux qu’à ses désirs. Ces qualités pourraient briller dans un autre : chez lui, elles ne sont presque rien, comparées à ses autres vertus. Il doit à ces vertus la préférence que Musonius lui donna sur des rivaux de tous les rangs, lorsqu’il le choisit pour gendre.

Je ne puis rappeler ces souvenirs, sans être flatté des louanges dont il me comble dans le monde et surtout auprès de vous. Et cependant, je crains (pour finir comme j’ai commencé), je crains qu’il ne passe la mesure, entraîné, comme il l’est toujours, par son caractère généreux. Cet homme, d’ailleurs si sage, a un défaut,