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LETTRES DE PLINE. LIV. II.

cuse pas seulement, mais que je loue même ces larmes d’un prince fameux : vous savez qu’après avoir attentivement regardé la prodigieuse armée qu’il commandait, Xerxès ne put s’empêcher de pleurer sur le sort de tant de milliers d’hommes qui devaient sitôt finir. Combien cette idée n’est-elle pas puissante pour nous engager à faire un bon usage de ce peu de momens qui nous échappent si vite ! Si nous ne pouvons les employer à des actions d’éclat que la fortune ne laisse pas toujours à notre portée, donnons-les au moins entièrement à l’étude. S’il n’est pas en notre pouvoir de vivre long-temps, laissons au moins des ouvrages qui ne permettent pas d’oublier jamais que nous avons vécu. Je sais bien que vous n’avez pas besoin d’être excité : mon amitié pourtant m’avertit de vous animer dans votre course, comme vous m’animez vous-même dans la mienne. La noble ardeur[1] que celle de deux amis qui, par de mutuelles exhortations, allument de plus en plus en eux l’amour de l’immortalité ! Adieu.


VIII.
Pline à Tranquille.

Votre air de cérémonie avec moi ne se dément point, quand vous me priez, avec tant de circonspection, de vouloir bien faire passer à Césennius Silvanus, votre proche parent, la charge de tribun[2] que j’ai obtenue pour vous de Neratius Marcellus. Je n’aurai pas moins de plaisir à vous mettre en état de donner cette place, qu’à

  1. La noble ardeur. Les deux mots grecs du texte de Pline sont empruntés à Hésiode.
  2. La charge de tribun. Le traducteur, travestissant, selon son usage, les noms de charges et de dignités romaines en noms tout à fait modernes, rendait tribunatum par la charge de colonel.