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LETTRES DE PLINE. LIV. II.

deux livres la vie de Pomponius Secundus[1] qui avait eu beaucoup d’amitié pour lui : il paya ce tribut de reconnaissance à sa mémoire. Il nous a laissé vingt livres sur les guerres de Germanie ; il y a rassemblé toutes celles que nous avons soutenues contre les peuples de ce pays. C’est un songe qui lui fit entreprendre cet ouvrage : il servait dans cette province, lorsqu’il crut voir, pendant son sommeil, Drusus Néron, qui, vainqueur et conquérant de la Germanie, y avait trouvé la mort. Ce prince lui recommandait de sauver son nom d’un injurieux oubli. Nous avons encore de lui trois livres, intitulés, l’Homme de lettres, que leur étendue obligea mon oncle de diviser en six volumes : il prend l’orateur au berceau, et ne le quitte point qu’il ne l’ait conduit à la plus haute perfection. Huit livres sur les difficultés de la grammaire[2] : il les composa pendant les dernières années de l’empire de Néron, où la tyrannie rendait dangereux tout genre d’étude plus libre et plus élevé. Trente et un, pour servir de suite à l’histoire qu’Aufidius Bassus[3] a écrite. Trente-sept, de l’histoire naturelle : cet ouvrage est d’une étendue, d’une érudition infinie, et presque aussi varié que la nature elle-même.

Vous ne concevez pas comment un homme si occupé a pu écrire tant de volumes, et y traiter tant de différens sujets, la plupart si épineux et si difficiles : vous serez bien plus étonné, quand vous saurez qu’il a plaidé pendant quelque temps ; qu’il n’avait que cinquante-six ans quand il est mort, et que sa vie s’est passée[4] dans les occupations et les embarras que donnent les grands emplois et la faveur des princes : mais il avait un esprit ardent, un zèle infatigable, une vigilance extrême. Il commençait ses veilles aux fêtes de Vulcain[5], non pas pour

  1. Pomponius Secundus. Pline l’ancien parle lui-même de ce Pomponius, xiv, 4. Il l’appelle poète consulaire, vii, 9. Quintilien l’a surnommé le prince des poètes tragiques latins (x, 1, 98). Dans le Dialogue sur les causes de la corruption de l’éloquence, on le met en parallèle avec Domitius Afer.
  2. Sur les difficultés de la grammaire. Cet ouvrage, Dubii sermonis octo, avait sans doute pour objet tous les doutes auxquels peuvent donner lieu les constructions du langage, la forme et la signification des mots. Les anciens grammairiens citaient souvent ce traité.
  3. Aufidius Bassus. Voy. son éloge dans Quintilien (x, 1, 104).
  4. Sa vie s’est passée. De Sacy traduisait : On sait qu’il en a passé la moitié dans les embarras, etc., ce qui me paraît un contresens. Medium tempus signifie l’intervalle entre le temps où il plaida et celui où il mourut, comme dans cette phrase de Tacite, Ann. xiv, 53, medio temporis tantum honorum, etc., il signifie le temps qui s’est écoulé depuis que Sénèque a été appelé à la cour de Néron.
  5. Aux fêtes de Vulcain. Ces fêtes se célébraient le dixième jour des calendes de septembre, c’est-à-dire vers la fin du mois d’août.