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ii
EXTRAIT DE L’ÉLOGE

nition, ou plutôt de ce précepte, en fut aussi le plus digne exemple ; et si tous les orateurs n’ont pas mérité le même éloge, c’est qu’ils ont ignoré le pouvoir de la vertu pour élever et inspirer le génie.

Cependant, quelque considéré que fût M. De Sacy dans la profession honorable qu’il exerçait, il se sentait destiné pour un théâtre plus vaste et plus brillant à ses yeux. Il voulut imiter en tout ce même Cicéron qui, après avoir plaidé dans la capitale du monde, devant des républicains, maîtres de l’univers, des causes bien plus importantes que toutes celles dont s’occupent les tribunaux de nos monarchies, ne se contentait pas de cette gloire, enrichissait sa langue et sa nation des trésors d’Athènes, éclairait par la philosophie, dans le silence du cabinet, ces mêmes citoyens qu’il venait de subjuguer au barreau par son éloquence, et faisant de ses admirateurs autant de disciples, ajoutait à l’empire de la parole celui des lumières…

Avocat par état et par devoir, mais homme de lettres par attrait et par goût, M. De Sacy donnait à ce goût si naturel tous les momens dont il pouvait disposer. Il n’osa cependant, par une suite de cette modestie qui faisait le fond de son caractère, offrir d’abord au public ses propres et uniques productions ; il résolut de commencer par être traducteur des pensées d’autrui, avant de hasarder les siennes. Si vous traduisez toujours, dit l’auteur des Lettres persanes, on ne vous traduira jamais ; il aurait pu ajouter : Si vous voulez qu’on vous traduise un jour, commencez par traduire vous-même. Cette règle n’a peut-être d’exception que