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LETTRES DE PLINE. LIV. II.

dresse lui a aussi mérité ce nom[1]), s’y était acquis une illustration plus grande encore. Sa mère était de l’une des meilleures maisons de l’Espagne citérieure : vous savez quels sont le bon esprit et la sévérité de mœurs des habitans de cette province. Pour lui, la dernière charge qu’il ait occupée, c’est celle de pontife. Notre amitié a commencé avec nos études : nous n’avions qu’une même maison à la ville et à la campagne ; il partageait mes affaires aussi bien que mes plaisirs. Et où trouver aussi une affection plus sûre, et tout à la fois une compagnie plus agréable ? Sa conversation à un charme inexprimable ; sa physionomie est pleine de douceur ; son esprit élevé, délicat, doux, facile, est heureusement préparé pour les exercices du barreau. Les lettres qu’il écrit semblent dictées par les muses elles-mêmes. Je l’aime plus que je ne puis dire, et son amitié ne le cède pas à la mienne. J’étais tout jeune aussi bien que lui, et déjà, pour le servir, je cherchais avec empressement les occasions que notre âge me pouvait permettre. Je viens de lui obtenir le privilége que donne le nombre de trois enfans[2] : quoique l’empereur se soit fait une loi de ne le conférer que rarement et avec choix, il a bien voulu me l’accorder avec autant de grâce que s’il avait choisi lui-même. Je ne puis mieux soutenir mes premiers bienfaits, qu’en les redoublant, surtout avec un homme qui les reçoit de manière à en mériter de nouveaux.

Je vous ai dit quel est Romanus, ce que j’en sais, combien je l’aime : traitez-le, je vous prie, comme je dois l’attendre de votre caractère et de votre position : je vous conjure surtout de l’aimer ; quelque bien que vous lui fassiez, je n’en vois point de plus précieux pour lui que votre amitié. C’est pour vous prouver qu’il la mérite,

  1. Car sa tendresse lui a aussi mérité ce nom. De Sacy a traduit : car il a succédé à son nom aussi bien qu’à ses vertus. C’est encore un contresens.
  2. Le privilége que donne le nombre de trois enfans. On avait attaché au nombre des enfans, chez les Romains, d’importantes prérogatives. Il en est parlé encore liv. vii, 16, et Panégyrique de Traj., 26.