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LETTRES DE PLINE. LIV. II.

raître (et c’est sans doute la plus glorieuse de toutes les victoires), pour dompter, par la terreur de ses armes, une nation si belliqueuse. Mais, en même temps que l’on a récompensé le héros, on a consolé le père. Spurinna, en son absence, a perdu son fils Cottius, et Cottius a aussi été honoré d’une statue ; distinction rarement accordée à un jeune homme. Les services du père l’avaient bien méritée ; et il ne fallait pas moins qu’un tel remède pour une plaie si profonde. D’ailleurs, Cottius brillait déjà de tant de vertus naturelles, que l’on devait une sorte d’immortalité à une vie si précieuse et si courte. La pureté de ses mœurs, la solidité, et même la supériorité de son esprit, lui permettaient de disputer de mérite avec les vieillards, à qui ce nouvel honneur l’a justement égalé. Cet honneur, si je ne me trompe, ne se bornera pas à la consolation du père, et à la gloire du fils ; il va faire naître une nouvelle émulation dans tous les cœurs. Les jeunes gens, animés par l’espérance du même prix, vont se distinguer à l’envi dans l’exercice des vertus. Les hommes du plus haut rang s’empresseront d’élever des enfans, ou pour revivre en eux, s’ils les conservent, ou pour être si glorieusement consolés, s’ils les perdent. Je dois donc voir avec un plaisir infini, dans l’intérêt public et tout ensemble pour moi-même, qu’on ait érigé une statue à Cottius. J’aimais cet excellent jeune homme aussi vivement que je le regrette aujourd’hui ; et je trouverai une bien douce consolation à contempler de temps en temps sa statue, à me retourner quelquefois pour la voir, à m’arrêter devant elle, à passer près d’elle. Si les images des morts calment notre douleur, lors même qu’elles ne se présentent à nous que dans l’enceinte d’une maison, combien ne frappent-elles pas davantage, lors-