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LETTRES DE PLINE. LIV. I.

qu’il voulait prendre son parti, quitter au plus tôt une vie douloureuse, si la maladie était incurable, attendre patiemment la guérison, si elle pouvait venir avec le temps ; qu’il devait aux prières de sa femme, aux larmes de sa fille, aux vœux de ses amis, de ne point trahir leurs espérances par une mort volontaire, pourvu que ces espérances ne fussent pas une illusion de leur tendresse. Rien de moins commun, à mon gré, rien de plus digne d’éloges, qu’un tel courage. Vous trouverez assez de gens, qui ont la force de courir à la mort en aveugles et sans réflexion ; mais il n’appartient qu’aux âmes héroïques de peser la mort et la vie, et de se déterminer pour l’une ou pour l’autre, selon qu’une sérieuse raison fait pencher la balance.

Les médecins nous font tout espérer. Il faut encore qu’un dieu secourable confirme leurs promesses, et me délivre de cette mortelle inquiétude. Aussitôt, je retourne à ma maison de Laurentin, avec impatience de reprendre mon porte-feuille et mes livres, et de me livrer à mes studieux loisirs. En l’état où je suis, tout occupé de mon ami tant que je le vois, inquiet dès que je le perds de vue, il ne m’est possible ni de lire ni d’écrire. Vous voilà informé de mes alarmes, de mes vœux, de mes desseins. Apprenez-moi à votre tour, mais d’un style moins triste, ce que vous avez fait, ce que vous faites, et ce que vous vous proposez de faire. Ce ne sera pas un faible soulagement à ma peine, de savoir que vous n’avez rien qui vous afflige. Adieu.