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vous placez votre père au céleste séjour, ce n’est ni pour inquiéter les citoyens, ni pour braver le ciel, ni par vanité : c’est que vous le croyez dieu. L’apothéose perd de son prix, décernée par des hommes qui se la donnent à eux-mêmes. Du reste, quoiqu’il ait reçu de vous des autels, des coussins sacrés, un flamine, rien n’en fait plus sûrement et plus visiblement un dieu, que vos qualités personnelles : car, pour un prince qui a payé tribut à la nature après avoir disposé de l’empire, il n’est qu’une preuve, mais une preuve infaillible de divinité : ce sont les vertus de son successeur. L’immortalité d’un père vous a-t-elle inspiré le moindre sentiment d’arrogance ? Lesquels imitez-vous, ou de ces derniers princes dont la mollesse se reposait orgueilleusement sur la divinité paternelle, ou des vieux et antiques héros, fondateurs de cet empire, naguère, hélas ! en butte aux incursions et aux mépris de ses ennemis ? Nous avons vu le temps où nos défaites n’étaient jamais plus certaines que quand on étalait des pompes triomphales. Aussi les barbares avaient-ils relevé la tête et secoué le joug ; ce n’était plus pour être libres, c’était pour nous asservir, qu’ils nous faisaient la guerre ; les trêves même, ils ne les concluaient que d’égal à égal ; et, pour leur donner des lois, il fallait en recevoir d’eux.

XII. Mais aujourd’hui, avec la terreur et la crainte, l’esprit de soumission est rentré dans leurs âmes. Ils voient à la tête des Romains un de ces guerriers des vieux âges, auxquels des champs couverts de morts et la mer rougie du sang de l’ennemi conféraient le nom glorieux d’Imperator. Nous recevons donc des otages, nous ne les achetons plus. Nous ne négocions plus, au prix d’énormes sacrifices et d’immenses présents, des victoires imaginaires. Les ennemis demandent, supplient ; nous accordons, nous refusons, et toujours comme l’exige la majesté de l’empire. Ceux qui obtiennent nous rendent grâce ; ceux qui n’obtiennent pas n’osent se plaindre. Comment l’oseraient-ils, quand ils savent que vos camps furent assis en face des nations les plus belliqueuses, dans la saison la plus favorable pour elles, la plus difficile pour nous ; lorsque l’hiver unit les deux rives du Danube, et que le fleuve, durci par la glace, ouvre à la guerre de vastes chemins ; lorsque ces populations féroces sont moins armées de fer, qu’elles ne sont armées de leur ciel et de leur climat ? Mais vous approchez, et le cours des