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LIVRE XXII.


motte de terre ; et toujours, parmi les députés envoyés à l’ennemi pour la clarigation, c’est-à-dire pour redemander clairement les choses enlevées, un s’appelait verbenaire (XXV, 59).

IV.

1(III.) Aucune couronne (XVI, 3) n’eut plus d’éclat que la couronne de gazon aux temps de la majesté du peuple roi, quand il distribuait les prix de la gloire. Les couronnes enrichies d’or et de pierreries, vallaire, murale, rostrale, civique, triomphale, ne venaient qu’après, à une grande distance ; et on y faisait une différence infinie. Toutes les autres, un seul individu a pu les donner : de simples chefs, des généraux les ont accordées à des soldats, quelquefois même à des corporations ; (IV.) le sénat délivré des soins de la guerre et le peuple en repos les ont décernées dans les triomphes ; mais la couronne de gazon n’a jamais été obtenue que dans une situation désespérée, votée alors par une armée entière à celui qui l’avait sauvée. 2Les autres étaient données par les généraux ; celle-là seule était donnée par les soldats au général. On l’appelait aussi obsidionale, quand un camp tout entier avait été délivré d’un siège et préservé de quelque affreux désastre. S’il faut regarder comme une récompense éclatante et sacrée la couronne civique donnée pour avoir sauvé un seul citoyen, même le plus obscur, que penser de la conservation d’une armée entière, due à un seul homme ? Cette couronne se faisait avec du gazon vert, pris à l’endroit même où les troupes sauvées avaient été assiégées ; en effet, chez les anciens, c’était le signe suprême de la victoire que les vaincus présentassent l’herbe : par là ils déclaraient céder le pays, la terre même qui les avait nourris, et le droit d’y être enterré, usage qui, à ma connaissance, subsiste encore chez les Germains.

V.

1(V.) L. Siccius Dentatus (VII, 29) n’en fut honoré qu’une seule fois, quoiqu’il eût gagné quatorze couronnes civiques et qu’il fût sorti vainqueur de cent vingt combats ; tant il est rare qu’une multitude sauvée n’ait à récompenser qu’un seul sauveur ! Quelques généraux en ont reçu plus d’une, par exemple P. Décius Mus (XVI, 5), tribun militaire : l’armée lui en décerna une ; la garnison qu’il délivra, une autre. Il témoigna par un acte religieux combien était éminent un pareil honneur : orné de ces insignes, il immola à Mars un bœuf blanc, et cent bœufs de poil roux qui lui avaient été, en même temps que la couronne, donnés par les assiégés comme récompense de sa valeur. Ce même Décius, étant plus tard consul avec Imperiosus (an de Rome 414), se dévoua pour obtenir la victoire. 2Cette couronne fut donnée aussi par le sénat et le peuple romain (honneur au-dessus duquel je ne vois rien dans les choses humaines) à ce Fabius qui rétablit la puissance romaine en ne combattant pas ; et elle ne lui fut pas donnée quand il eut sauvé le maître de la cavalerie et son armée ; sa couronne alors fut un nom nouveau, le nom de père décerné par ceux qui lui durent leur salut ; mais elle lui fut donnée avec l’unanimité dont je viens de parler, quand Annibal eut été chassé de l’Italie : c’est la seule couronne qui jusqu’à présent ait été posée sur la tête d’un citoyen par l’empire lui-même ; et ce qui la distingue, c’est la seule qui ait été donnée par l’Italie entière.

VI.

1(VI.) L’honneur de cette couronne a encore été décerné à M. Calpurnius Flamma, tribun