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LIVRE XXII.

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I.

1 La nature et la terre avaient, on peut le dire, comblé la mesure de leurs merveilles, à ne considérer que les propriétés énumérées dans le volume précédent et tant de plantes produites pour nos besoins ou nos plaisirs. Et pourtant combien plus en reste-t-il à décrire, et de plus admirables encore ? La plupart recommandables par le goût, l’odeur ou la beauté, la plantes du livre précédent ont conduit à de nombreuses expériences ; celles qui restent prouvent, par leur efficacité, que la nature n’engendre rien sans quelque secret dessein.

II.

1(I.) Je remarque d’abord que, pour s’embellir et obéir à des usages constants, des nations étrangères emploient certaines herbes : chez les peuples barbares, les femmes se fardent le visage avec différentes plantes ; et les hommes même, chez les Daces et les Sarmates, se tatouent le corps. On donne dans la Gaule le nom de glastum (guède, isatis tinctoria, L.) à une plante semblable au plantain : les femmes et les filles des Bretons s’en teignent le corps, et, noires comme des Éthiopiennes, paraissent, nues, dans certaines cérémonies religieuses.

III.

1(II.) Nous savons que les plantes fournissent d’admirables couleurs pour la teinture des étoffer. Sans parler des graines de Galatie (IX, 63), d’Afrique et de Lusitanie, qui fournissent le coccus (kermès végétal produit par le quercus coccifera, L.), réservé aux cottes d’armes des généraux, les Gaulois Transalpins reproduisent avec des herbes (XVI, 31) la pourpre tyrienne, la conchylienne, et toutes les autres couleurs ; ils ne vont pas chercher le murex au fond des mers ; ils ne s’exposent pas à être dévorés en l’enlevant aux monstres marins ; ils ne sondent pas les profondeurs où les ancres même ne sont pas descendues, pour donner des moyens plus faciles aux grandes dames de plaire à un adultère ; aux séducteurs, de corrompre une femme mariée. 2La récolte se fait debout et en terre ferme, comme celle des céréales ; mais cette teinture a le défaut de ne pas supporter le lavage, sans quoi le luxe se serait pourvu avec plus de magnificence, en tout cas, au prix de moins de dangers. Ce n’est pas notre but d’entrer ici dans ces détails ; et nous n’irons pas, substituant des choses moins dangereuses, essayer d’enfermer le luxe dans les limites du bon marché, encore bien que nous expliquions ailleurs que les herbes servent à teindre les pierres, à peindre les murailles (XXXV, 1) : mais je ne me serais pas dispensé non plus de parler de la teinture si elle avait jamais appartenu aux arts libéraux. 3En attendant, nous nous mettrons au-dessus des préjugés, et nous dirons en quelle estime il faut tenir même des herbes muettes, c’est-à-dire sans renom. Les auteurs et fondateurs de l’empire romain en ont tiré d’immenses résultats, puisque ces herbes constituèrent les sagmina des calamités publiques, et les verbenæ des sacrifices et des ambassades : ces deux noms signifient la même chose, à savoir le gazon arraché de la citadelle avec sa