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au septième livre de cet ouvrage (vii, 7), et qu’il célébra sous le consulat de M. Pison et de M. Messala (an de Rome 693), la veille des calendes d’octobre (le 30 septembre), le jour anniversaire de sa naissance (12), Pompée fit passer sous les yeux des Romains un échiquier avec ses pièces, fait de deux pierres précieuses, large de trois pieds, long de quatre (et pour qu’un ne doute pas que la nature s’épuise, car on ne voit aujourd’hui aucune pierre approchant de cette grandeur, j’ajouterai que cet échiquier portait une lune d’or du poids de trente livres) ; trois lits de table ornés de perles ; des vases d’or et de pierreries suffisants pour garnir neuf buffets ; trois statues d’or, Minerve, Mars et Apollon ; trente-trois couronnes de perles ; une montagne d’or carrée, avec des cerfs, des lions et des fruits de tout genre, entourée d’une vigne d’or ; un muséum en perles, au haut duquel était une horloge ; un portrait de Pompée fait en perles. Oui, de Pompée ! Ce front noble et découvert, ce visage qui respirait l’honnêteté et imprimait le respect à toutes les nations, le voila en perles ; la sévérité des mœurs est vaincue, et véritablement c’est le luxe qui triomphe. Certes, le surnom de Grand n'aurait pas appartenu longtemps à Pompée parmi les hommes de ce temps s'il avait ainsi triomphé lors de sa première victoire. Ton portrait en perles, ô grand Pompée, cette superfluité si coûteuse et inventée pour les femmes! en perles, toi à qui il n'aurait pas été permis d'en porter! Est-ce ainsi que ton prix se rehaussait? Les trophées que tu as élevés dans les Pyrénées (VII, 27) ne sont-ils pas une image de toi plus ressemblante? Certes, ce portrait en perles eût été quelque chose d'indigne et d'ignominieux, s'il ne fallait pas plutôt y voir un menaçant présage de la colère des dieux, et si l'on ne comprenait clairement que dès lors cette tête chargée des richesses de l'Orient était montrée sans le reste du corps.

[4] Mais combien le surplus de son triomphe fut digne d'un héros! A la république (19) 2.000 talents (9.840.000 fr.) furent donnés; aux lieutenants et aux questeurs qui avaient défendu les côtes de la mer, 1.000 talents; aux soldats, 6,000 sesterces (1260 fr.) par tête. Toutefois il rendit plus excusable le luxe de l'empereur Caligula, qui, outre tant d'autres, vanités féminines, portait des brodequins ornée de perles, et de l'empereur Néron, qui en garnissait le sceptre et le masque des histrions et les lits destinés à ses plaisirs. Ainsi nous n'avons plus, ce semble, le droit de blâmer et les coupes ornées de pierreries, et les différents meubles enrichis de même, et les anneaux qui en étincellent; car y a-t-il un luxe qui ne puisse passer pour plus innocent?

VII. [1] Cette même victoire introduisit pour la première fois dans Rome les vases murrhins; et Pompée le premier, à la suite de ce triomphe, consacra à Jupiter Capitolin des coupes et des vases de cette matière, qui bientôt passa aux usages ordinaires de la vie. On en fit même des buffets et des plats. Cette suite de luxe augmente chaque jour, puisqu'un vase murrhin dont la capacité n'excédait pas trois setiers a été vendu 70 talents (344.400 fr.). Un consulaire qui se servait de cette coupe il y a quelques années se passionna tellement pour elle, qu'il en rongea le bord. Ce dommage n'a fait qu'en augmenter le prix, et il n'y a point aujourd'hui de vase murrhin qui se cote plus haut.