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ayant diminué le prix, lui renvoya deux deniers ; Isménias dit que ce marchand était un maladroit, et qu’il avait beaucoup fait perdre au mérite de la pierre. C’est grâce à lui, ce semble, que les musiciens ont voulu faire juger de leur mérite par ce genre de luxe. Ainsi Dionysodore, son contemporain et son rival, l’imita pour ne pas paraître au-dessous de lui ; ainsi Nicomaque, qui était au troisième rang parmi les musiciens de ce temps, eut, dit-on, beaucoup de pierreries, mais choisies sans goût. Ces exemples, qui se trouvent comme par hasard (6) au commencement de ce livre, vont à l’adresse de ceux qui, se piquant d’une pareille magnificence, mettent leur vanité là où les joueurs de flûte la mettaient.

IV. La pierre de Polycrate qu’on voit ici est intacte et sans ciselure. Longtemps après ce prince, du temps d’Isménias, il paraît qu’on se mit à graver les émeraudes. L’usage de ce genre de gravure est établi incontestablement par un édit d’Alexandre le Grand défendant (vii, 38) à tout autre que Pyrgotèle, le plus habile sans doute en cet art, de graver son portrait sur pierre précieuse (7) ; après Pyrgotèle, Apollonidès et Cronius y excellèrent, comme aussi Dioscurides, qui grava de cette façon l’effigie très-ressemblante (8) du dieu Auguste, effigie que les empereurs depuis emploient comme cachet. Le dictateur Sylla usa toujours d’un cachet représentant Jugurtha livré. Les auteurs rapportent que cet Espagnol d’Intercatia (iii, 4, 10) dont Scipion Émilien tua le père après défi employait un cachet où ce combat était représenté. De là la plaisanterie si connue de Stilon Praeconlnus demandant : Qu’aurait-il donc fait si son père avait tué Scipion ? Le dieu Auguste, au commencement, cachetait avec un sphinx. Il en avait trouvé deux (9) parfaitement semblables parmi les bagues de sa mère. Pendant les guerres civiles ses amis employèrent, en son absence, un de ces sphinx pour cacheter les lettres et les édits que les circonstances obligeaient de donner en son nom, et ceux qui les recevaient disaient assez spirituellement que ce sphinx apportait des énigmes. La grenouille de Mécène était aussi fort redoutée pour les levées d’impôts (10). Dans la suite, Auguste, pour éviter les sarcasmes touchant son sphinx, cacheta avec une figure d’Alexandre le Grand.

V. Une collection de pierres porte le nom étranger de dactyliothèque. Le premier qui en eut une à Rome fut Scaurus (xxxvi, 24, 10), beau-fils de Sylla. Longtemps il n’y en eut pas d’autre, jusqu’à ce que le grand Pompée consacrât au Capitole, entre autres dons, celle du roi Mithridate ; d’après M. Varron et d’autres auteurs de ce temps, elle l’emportait de beaucoup sur celle de Scaurus. Imitant cet exemple, le dictateur César consacra six dactyliothèques dans le temple de Vénus Génitrix, et Marcellus, fils d’Octavie, une dans le temple d’Apollon Palatin (11).

VI. Mais c’est la victoire de Pompée qui commença à tourner le goût vers les perles et les pierreries : comme celle de L. Scipion (xxxiii, 51) et de Cn. Manlius (xxxiv, 8) l’avait tourné vers l’argent ciselé, les étoffes Attaliques et les lits de table garnis de bronze ; comme celle de L. Mammius, vers l’airain de Corinthe et les tableaux. (II.) Pour faire connaître la chose plus clairement, je citerai textuellement ce qui est dit dans les Actes mêmes des triomphes de Pompée. A son troisième triomphe, où il triompha des pirates, de l’Asie, du Pont, des nations et des rois énumérés