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on le broie au mortier et à la meule ; ensuite on y mêle trois parties de nitre, soit au poids, soit à la mesure ; le mélange étant en fusion, on le fait passer dans d’autres fourneaux : la il se prend en une masse à laquelle on donne le nom d’ammonitre. Cette masse est mise en fusion, et elle donne du verre pur et des pains de verre blancs. Cet art a passé même en Gaule et en Es-pagne, où l’on traite le sable de la même façon. On raconte que sous le règne de Tibère on imagina une mixture qui donnait un verre malléable, et que toute la fabrique de l’artiste fut détruite pour empêcher l’avilissement du cuivre, de l’argent et de l’or. Ce bruit a été longtemps plus répandu que le fait n’est certain ; mais qu’importe ? Du temps de Nerva on a trouvé un procédé de vitrification qui fit vendre 6,000 sesterces (1,206 fr.) deux coupes assez petites qu’on nommait ptérotes (ailées).

LXVII

1 Au verre appartiennent les vases obsidiens, assez semblables à la pierre qui a été découverte en Éthiopie par Obsidius. Cette pierre est très noire, quelquefois transparente, mais d’une transparente mate, de sorte que, attachée tomme miroir à la muraille, elle rend plutôt l’ombre que l’image des objets. Beaucoup en font des bijoux. J’ai vu en obsidienne des statues massives du dieu Auguste, qui prisait fort de cette substance demi-transparente. Lui-même a consacré comme des merveilles, dans le temple de la Concorde, quatre éléphants de pierre obsidienne.

2 L’empereur Tibère rendit aux Héliopolitains, pour leurs cérémonies, une statue de Ménélas en pierre obsidienne, trouvée dans la succession d’un préfet d’Égypte. Cela montre qu’il faut reporter plus haut qu’on ne le fait l’usage de cette substance, confondue aujourd’hui avec le verre à cause de la ressemblance. D’après Xénocrate, l’obsidienne se trouve dans l’Inde; dans le Samnium, en Italie ; et, en Espagne, sur les côtes de l’Océan. On fabrique, par le moyen d’une teinture, de l’obsidienne pour divers ustensiles de table, et un verre entièrement rouge, opaque, qu’on nomme hématinon. On fait aussi du verre blanc, du verre imitant le murrhin, imitant l’hyacinthe, le saphir, de toutes les couleurs en un mot.

3 Nulle substance n’est plus maniable, nulle ne se prête mieux aux couleurs ; mais le plus estimé est le verre incolore et transparent, parce qu’il ressemble le plus au cristal. Pour boire il a même chassé les coupes d’argent et d’or; mais, à moins qu’on n’y verse d’abord du liquide froid, il ne résiste pas à la chaleur ; et cependant des boules de verre remplies d’eau, opposées aux rayons du soleil (XXXVII, 10, 2), réchauffent tellement, qu’elles brûlent des étoffes. Le verre en fragments ne fait que se souder au feu ; pour le fondre entièrement, il faudrait le broyer. La verrerie fait divers objets de verre coloré, par exemple les pièces d’échiquier qu’on nomme abaculi ; ces objets offrent même quelquefois plusieurs nuances. Le verre fondu avec le soufre se durcit en pierre.

LXVIII

1 Après avoir parcouru tout ce que crée le génie, grâce à l’art reproduisant la nature, il nous faut considérer avec admiration qu’il n’est presque rien où le feu n’intervienne. (XXVII.) Le feu reçoit des sables, et il rend, ici du verre, là de l’argent, ailleurs du minium, ailleurs le plomb et ses variétés, ailleurs des substances colorantes, ailleurs des médicaments. Par le feu des pierres se résolvent en cuivre (XXXIV, 2); par