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le lac Fucin. Les dépenses furent immenses, et les bras employés pendant tant d’années, innombrables. Là ou la montagne était terreuse, on rencontrait de l’eau qu’il fallait épuiser par le haut à l’aide de machines ; ailleurs, c’était la roche vive qu’il fallait trancher : et tout cela se faisait à l’intérieur, dans les ténèbres, opérations que ceux-là seuls qui les ont vues peuvent se figurer, et que la parole humaine ne suffirait pas à exposer.

20 Je passe sous silence le port d’Ostie, les routes pratiquées travers les montagnes, la mer Tyrrhénienne séparée du lac Lucrin (III, 9, 9), par un môle, et tant de ponts construits à si grands frais. Parmi beaucoup d’autres merveilles de l’Italie, en voici une qui a pour garant Papirius Fabianus, très savant dans les choses de la nature : c’est que le marbre croît dans les carrières. Ceux qui les exploitent affirment aussi que ces plaies des montagnes se comblent spontanément. S’il en est ainsi, on peut compter que les marbres ne manqueront jamais au luxe.

XXV

XVI.
Quand on quitte les marbres pour passer aux autres pierres remarquables, l’aimant, sans aucun doute, s’offre au premier rang. Qu’y a-t-il, en effet, de plus merveilleux ? et ou la nature montre-t-elle plus de malice ? Elle avait donné, comme nous l’avons dit (XXXV, 23), aux rochers une voix répondant à l’homme, et même lui coupant la parole. Qu’y a-t-il de plus inerte qu’une pierre brute ? mais voilà qu’elle lui accorde le sentiment et des mains. Quoi de plus dur et de plus rebelle que le fer ? mais voila qu’il cède et se laisse gouverner. En effet, il est attiré par la pierre aimant : ce métal qui dompte toutes choses se précipite vers je ne sais quoi d’occulte; dés qu’il est voisin de l’aimant, il s’y jette, il y est retenu, et l’embrasse étroitement ; propriété qui a fait donner à l’aimant l’autre nom de sidéritis.

2 Quelques-uns le nomment héracléon. Il a été appelé magnès, au dire de Nicandre, du nom de celui qui l’a découvert, et qui l’a trouvé sur le mont Ida. En effet, on le rencontre çà et là ; ce qui arrive aussi en Espagne. Ce Magnès fit, dit-on, cette découverte en menant paître ses bœufs, les clous de ses souliers et le bout ferré de sa houlette étant devenus adhérents. Sotacus reconnaît cinq espèces d’aimant : l’éthiopique; celui de la Magnésie, contrée limitrophe de la Macédoines sur la droite de la route du lac Boebéis ; celui du territoire d’Hyettos, en Béotie ; celui des environs d’Alexandrie de Troade ; enfin celui de la Magnésie d’Asie.

3 La première distinction entre les aimants, c’est le sexe, mâle ou femelle ; la seconde, c’est la couleur. Les aimants de la Magnésie macédonienne sont d’un roux tirant sur le noir ; ceux de la Béotie sont plus roux que noirs ; ceux de la Troade sont noirs, femelles, et par conséquent sans force. Le plus mauvais de tous est celui de la Magnésie d’Asie; il est blanc, n’attire pas le fer, et ressemble à une pierre ponce. L’expérience a montré que plus l’aimant est bleu, mieux il vaut. L’éthiopique a la palme sur tous les autres ; il se paye au poids de l’argent; on le tire du Zimiri de l’Éthiopie; c’est le nom d’une contrée sablonneuse. Là aussi se trouve l’aimant hématite, de couleur de sang, et qui, broyé, donne la teinte du sang et celle du safran. L’hématite n’a pas la même propriété que l’aimant pour attirer le fer.

4 On reconnaît l’aimant éthiopique à ce qu’Il attire aussi les autres aimants. Au reste, tous les aimants entrent dans les compositions ophtalmiques pour une dose