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se livrent un combat : néanmoins la solidité de la construction résiste.

5 Des poids énormes sont traînés par-dessus, et les voûtes ne fléchissent pas. Des maisons qui s’écroulent spontanément ou que les incendies font tomber, viennent les frapper ; le sol est ébranlé par les tremblements de terre ; et cependant ces égouts construits par Tarquin l’Ancien durent depuis sept cents ans, sans avoir pour ainsi dire souffert. N’omettons pas une particularité mémorable, quand ce ne serait que parce que les plus célèbres historiens l’ont omise : Tarquin l’Ancien construisait cet ouvrage par les mains de la plèbe ; et comme on redoutait également la longueur et le danger de ces travaux, le suicide était devenu fréquent. Les Romains échappant ainsi à ces corvées, le roi imagina un remède singulier, et dont on ne trouve d’exemple ni avant ni après : il fit mettre en croix le corps de tous ceux qui s’étaient donné la mort, et les livra en spectacle aux citoyens, en proie aux bêtes et aux oiseaux.

6 L’honneur, propre à la nation romaine, et qui plus d’une fois a rétabli des batailles espérées, vint ici encore au secours ; mais à cette époque les hommes en furent la dupe : vivants ils eurent honte d’une telle ignominie, comme si morts ils l’eussent dû ressentir. On dit que Tarquin fit l’égout assez spacieux pour qu’une voiture amplement chargée de foin pût y passer.

7 Tout ce que nous venons de rapporter est peu de chose, et avant d’aller plus loin il faut mettre en regard une seule merveille. Sous le consulat (an de Rome 676) M. Lépidus et de Q. Catulus il n’y avait pas à Rome, au dire des auteurs les plus exacts, de maison plus belle que celle de Lépidus lui-même; après moins de trente-cinq ans cette même maison n’était pas au centième rang. Si l’on veut en faire l’estimation, que l’on calcule les masses de marbre, les travaux des peintres. les dépenses royales, et cent maisons, toutes le disputant à la plus belle et la plus renommée, toutes vaincues dans la suite jusqu’à nos jours par mille et mille autres maisons. Sans doute les incendies punissent le luxe ; mais, malgré ces destructions, rien ne peut faire comprendre dans les mœurs actuelles qu’il y a quelque chose de plus périssable que l’homme lui-même.

8 Au reste, tous ces édifices ont été vaincus par deux maisons. Deux fois nous avons vu la ville entière envahie par les palais des princes Caligula et Néron : encore ce dernier, pour que rien ne manquât, fit-il dorer la sienne. Étaient-ce donc là les demeures de ceux qui ont fait si grand cet empire, qui laissaient la charrue et l’humble foyer pour subjuguer les nations, pour remporter les triomphes, et dont les champs occupaient moins de terrain que les boudoirs de ces princes ?

9 On se met à songer quelle portion de ces palais Impériaux étaient les emplacements que la république accordait à ses généreux invincibles pour la construction de leurs maisons. Le suprême honneur de ces concessions, ce fut, comme nous le voyons, après tant de services pour L. Valerius Publicola, qui fut le premier consul avec L. Brutus, comme nous le voyons aussi pour son frère, qui, étant pareillement consul, avait vaincu deux fois les Sabins ; ce fut, dis-je, que le décret contint en sus le droit qui leur était accordé d’avoir leur porte ouvrant en dehors, et battant sur le terrain public. Tel était le privilège le plus in-signe, même pour les maisons triomphales.

10 Nous ne souffrirons pas que ces deux Nérons jouissent même de ce genre de gloire,