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marbres tachetés n’étaient point en vogue. On fit des statues en marbre de Thasos, l’une des Cyclades, et aussi en marbre de Lesbos ; celui-ci est un peu plus vide que l’autre. Le poète Ménandre, très fidèle peintre du luxe, est le premier qui ait parlé et encore rarement, des taches de diverses couleurs, et en général de l’emploi des marbres. On mettait des colonnes de ce genre dans les temples, non par une raison de magnificence (on n’y songeait pas encore), mais parce qu’on ne pouvait en trouver de plus solides.

2 C’est ainsi que fut commencé à Athènes le temple de Jupiter Olympien, dont Sylla fit transporter les colonnes pour le Capitole. Cependant il y avait une distinction entre la pierre et le marbre, dès le temps d’Homère même. Le poète parle en effet du coup d’un bloc de marbre (Il, XVI, 735), mais il n’en dit pas davantage ; et dans les maisons royales les plus ornées, outre l’airain, l’or, l’électrum et l’argent, il ne signale que l’ivoire (XXXIII, 23).

3 Les premiers marbres tachetés furent, je pense, trouvés dans les carrières de Chio ; les habitants les employèrent aux murs de leur ville, et ils s’attirèrent une plaisanterie de Cicéron ! Ils montraient à tout le monde ces murailles comme magnifiques : "J’admirerais bien plus, dit-il, que vous les eussiez faites en pierre de Tibur." Ce qu’il y a de certain, c’est que la peinture n’aurait pas été aussi honorée, ou plutôt ne l’aurait pas été du tout, si les marbres variés eussent été en vogue.

VI

1 Je ne sais s’il faut attribuer à la Carie l’invention de l’art de scier le marbre en tablettes. L’exemple le plus ancien de cette pratique, à ma connaissance, est fourni par le palais de Mausole à Halicarnasse : les murailles, en brique, sont recouvertes en marbre de Proconnèse. Mausole mourut la seconde année de la cent sixième olympiade, l’an de Rome 402.

VII

1 Le premier qui à Rome revêtit en marbre les murs de sa maison tout entière fut, au dire de Cornelius Népos, sur le mont Coelius, Mamurra, né à Formies, chevalier romain et préfet des ouvriers de Jules César dans les Gaules. Tel fut, pour que rien ne manque à l’indignité, l’homme qui donna l’exemple; c’est en effet ce Mamurra déchiré par les vers de Catulle de Vérone : sa maison, en vérité, disait plus clairement que Catulle lui-même qu’il avait tout ce qu’avait eu la Gaule Chevelue. Le même Népos ajoute que Mamurra le premier eut toutes les colonnes de sa maison en marbre massif de Caryste (IV, 21, 2) ou de Lune.

VIII

1 M. Lépidus, consul avec Q. Catulus, fit, le premier, dans sa maison les seuils en marbre de Numidie, et il fut grandement blâmé. Son consulat tombe l’an de Rome 676. C’est la première trace que je trouve de l’importation du marbre numidique, non en colonnes toutefois ou en feuilles, comme il vient d’être dit pour le marbre de Caryste, mais en blocs et pour un très vil usage. Quatre ans environ après ce Lépidus, L. Lucullus, consul, donna, comme il paraît, son nom au marbre luculléen. Il était charmé de ce marbre, et le premier il l’introduisit dans Rome. Au reste, c’est un marbre noir, et dépourvu des taches ou des couleurs qui recommandent les autres.

2 On le trouve dans l’île de Chio, et c’est presque le seul marbre qui ait été dénommé d’après un amateur. Entre les con-