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parmi les bitumes la naphthe, dont nous avons parlé dans le second livre (II, 109) ; mais la qualité brûlante qu’elle possède, et qui est analogue au feu, la rend impropre à tout usage. 3 La marque du bon bitume, c’est d’être très-brillant, pesant et massif ; mais comme on le falsifie avec la poix, il faut aussi qu’il soit passablement lisse. Il a les propriétés du soufre : il arrête, résout, resserre, agglutine. Enflammé, il met en fuite les serpents par son odeur. Celui de Babylone est, dit-on, efficace pour les cataractes et les taies, aussi pour les lèpres, les lichens, et les affections prurigineuses. On l’applique sur les parties goutteuses. Toutes les variétés de bitume servent à redresser les cils incommodes ; en topique avec le nitre, elles guérissent les douleurs de dents. 4 Pris à l’intérieur avec du vin, le bitume améliore les vieilles toux et les respirations difficiles. On l’emploie de la même façon dans la dysenterie, et il arrête le flux de ventre. Pris à l’intérieur avec du vinaigre, il dissout et fait sortir le sang coagulé. Il adoucit les douleurs lombaires et articulaires. Avec la farine d’orge, il constitue un cataplasme particulier, auquel il donne le nom. Il arrête le sang ; il réunit les plaies, il agglutine les parties nerveuses. 5 On l’administre pour la fièvre quarte à la dose d’une drachme, avec poids égal de menthe (XIX, 47 ; XX, 53), le tout pétri avec une obole de myrrhe. Du bitume brûlé fait reconnaître le mal caduc. Flairé avec du vin et du castoréum, il dissipe les attaques hystériques. En fumigation, il remédie à la chute de matrice. Pris à l’intérieur dans du vin, il est emménagogue. Quant à l’emploi dans les autres arts, on en frotte les cuivres, ce qui les rend plus résistants au feu. Nous avons dit (XXXIV, 9) qu’on s’en servait jadis pour teindre l’airain et enduire les statues172. On l’a employé en guise de chaux, témoin les murs de Babylone, qui sont ainsi cimentés. Les ouvriers en fer s’en servent pour vernir le fer et les têtes de clous, et dans beaucoup d’autres cas.

LII

1 L’emploi de l’alun n’est pas moins important, et ne diffère guère173. L’alun est une sorte de salure de la terre. Il y en a aussi plusieurs espèces. En Chypre il y a de l’alun blanc et de l’alun noir. Malgré ces dénominations, la couleur de ces deux aluns diffère peu ; mais l’emploi diffère beaucoup. En effet, l’alun blanc et liquide est très-bon pour donner aux laines des couleurs claires ; l’alun noir, au contraire, pour leur donner des couleurs foncées ou sombres. L’or se purifie avec l’alun noir. Tout alun est un composé de terre et d’eau, c’est-à-dire le produit d’une terre qui laisse transsuder l’humidité.

2 La concrétion commencée en hiver s’achève par le soleil d’été ; la partie formée la première est la plus blanche. Les lieux qui le produisent sont l’Espagne, l’Égypte, l’Arménie, la Macédoine, le Pont, l’Afrique, les îles de Sardaigne, de Mélos, de Lipara et de Strongyle. Le plus estimé est celui d’Égypte, puis celui de Mélos. De ce dernier aussi on distingue deux espèces, le liquide et le solide. Le bon alun liquide est limpide, de couleur laiteuse ; frotté entre les doigts, il ne les offense pas, et donne un léger sentiment de chaleur : on le nomme phorime (utile). 3 On reconnaît s’il est falsifié, à l’aide du suc de la grenade : s’il est pur, ce suc le noircit. L’autre alun est pâle et raboteux ; il se noircit avec la noix de galle ; aussi le nomme-t-on paraphore (faux). L’alun liquide est astringent, durcissant et corrosif : mêlé au miel, il guérit les ulcérations de la bouche, les papules et les prurits : ce remède