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L

(XV.)
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Nous nous en tiendrons là pour les briques. Parmi les autres genres de terre, le plus remarquable peut-être est le soufre, qui est un des plus puissant agents. On trouve du soufre dans les îles Éoliennes, situées entre la Sicile et l’Italie, et qui, avons-nous dit (III, 6), sont en ignition. Mais le plus célèbre vient de l’île de Mélos. On en trouve aussi en Italie, au territoire de Naples, en Campanie, dans les coteaux nommés Leucogées (XVIII, 29, 5). Là, retiré de la mine, on le purifie avec le feu. Il y a quatre espèces de souffre : le soufre vif, que les Grecs nomment apyros ; on le trouve solide, c’est-à-dire à l’état de blocs ; 2 seul (les autres en effet sont fondus, et on le purifie en les faisant bouillir avec de l’huile)166, il est extrait à l’état vif, transparent et vert : c’est le seul qu’emploient les médecins ; le soufre appelé glèbe, qu’on n’emploie que dans les ateliers des foulons ; une troisième espèce, dont on ne se sert que pour les laines, en vapeur, et qui ne fait que les rendre blanches et moelleuses : on la nomme Égula ; enfin une quatrième espèce, qu’on emploie surtout pour soufrer les mèches. Au reste, le soufre a tant de vertu, que jeté sur le feu l’odeur qu’il répand fait reconnaître si une personne est sujette au mal caduc. 3 Anaxilaüs faisait du soufre un amusement : il en mettait avec des charbons allumés dans une coupe à vin167, et, la promenant tout enflammée autour des convives, il leur donnait par le reflet la pâleur lugubre de la mort. Le soufre est échauffant et maturatif, mais en outre il dissipe les dépôts ; aussi on le mêle aux emplâtres et aux cataplasmes résolutifs. Appliqué sur les reins et les lombes avec de la graisse, quand il y a douleur, il est d’un effet merveilleux. 4 Avec la térébenthine, il enlève les lichens de la face et les lèpres : on nomme cet emplâtre harpax, à cause de sa rapidité à prendre ; aussi faut-il l’ôter de temps en temps. En électuaire il est bon pour l’asthme, pour l’expectoration purulente, et pour les piqûres de scorpion. Le soufre vif mêlé au nitre, broyé avec du vinaigre et appliqué, fait disparaître le vitiligo. Mêlé au vinaigre et à la sandaraque, il tue les lentes des paupières. Le soufre trouve aussi place dans les cérémonies religieuses : on l’emploie en fumigation pour purifier les maisons. La vertu s’en fait sentir même dans les eaux thermales (XXXI, 32). Nulle substance ne s’allume plus facilement, ce qui prouve qu’il169 contient beaucoup de feu. La foudre et les éclairs ont aussi une odeur de soufre, et la lumière même qu’ils répandent est sulfureuse.

LI

1 Le bitume approche du soufre ; c’est tantôt un limon, tantôt une terre : un limon, sortant d’un lac de Judée, comme nous avons dit (V, 15, 3) ; une terre, en Syrie, autour de la ville maritime de Sidon. Dans ces deux états, il s’épaissit et se condense. Il y a aussi un bitume liquide, témoin celui de Zacynthe et celui qu’on apporte de Babylone ; ce dernier bitume est blanc. Le bitume d’Apollonie est liquide aussi. Tous portent en grec le nom de pissasphalte, comme qui dirait mélange de poix et de bitume. 2 On trouve aussi un bitume gras et semblable à l’huile170, en Sicile, dans un ruisseau d’Agrigente, dont il gâte l’eau. Les habitants le recueillent avec des panicules de roseau, auxquelles il s’attache très-aisément. Ils s’en servent pour alimenter les lampes en guise d’huile, et aussi pour la gale des bêtes de somme. Il en est qui rangent171