Page:Pline l'ancien - Histoire naturelle, Littré, T2 - 1850.djvu/408

Cette page n’a pas encore été corrigée

habitude qui remonte sans doute au temps où c’était le gage le plus prompt à trouver. Nous pouvons donc pleinement affirmer que chez nous l’usage de la monnaie est antérieur à celui des anneaux. Nous parlerons bientôt de la monnaie (XXXIII, 13).

VII. Les anneaux, quand l’usage en fut adopté, distinguèrent l’ordre équestre du peuple, comme la tunique distinguait le sénat de ceux qui portaient l’anneau : toutefois, cette dernière distinction ne s’est introduite que tard ; et nous trouvons dans les auteurs que la tunique laticlave était portée même par les crieurs publics (præco), témoin le père de Lucius Ælius Stilon, qui valut à son fils le surnom de Praeconinus. Mais les anneaux ont véritablement inséré entre le peuple et les sénateurs un ordre intermédiaire, qui est le troisième. Le titre de chevalier, dû jadis au cheval militaire, est maintenant attribué à un certain cens ; et cela n’est pas ancien : quand le dieu Auguste régla les décuries, la plupart des juges portaient l’anneau de fer, et on les appelait, non chevaliers, mais juges ; le nom de chevaliers était réservé aux escadrons composés de ceux à qui l’État fournissait un cheval. Il n’y eut aussi dans le commencement que quatre décuries de juges, et à peine chaque décurie renfermait-elle mille personnes, attendu que les provinces n’étaient pas encore admises à cette charge. Il s’est conservé quelque chose de cette exception, puisque encore aujourd’hui les nouveaux citoyens ne remplissent pas de fonctions de juges dans les décuries. (II.) Les décuries elles-mêmes furent distinguées par différents noms : tribuns du trésor, élus et juges. De plus, il y avait les neuf cents, choisis parmi toutes les décuries pour garder les scrutins à suffrages dans les comices : dénominations ambitieuses qui ne servaient qu’à diviser l’ordre, l’un se vantant d’être un des neuf cents, tandis que l’autre se qualifiait d’élu ou de tribun.

VIII. Enfin, la neuvième année du règne de Tibère l’ordre équestre fut réuni en un seul corps. Un décret fixa le droit de porter l’anneau, sous le consulat de C. Asinius Pollion et de C. Antistius Vétus, l’an de Rome 775. Chose étrange, ce fut un incident presque futile qui donna lieu à ce changement : C. Sulpicius Galba, cherchant, jeune encore, à se faire un nom auprès du prince en poursuivant les teneurs de tavernes, vint se plaindre au sénat, disant que les délinquants échappaient d’ordinaire à la punition, grâce à leur anneau ; sur quoi il fut statué que nul n’aurait le droit de porter l’anneau si lui, son père et son aïeul paternel, tous de condition libre, n’avaient possédé quatre cent mille sesterces (84, 000 fr.) de bien, et n’avaient été, aux termes de la loi Julia sur les théâtres, admis à s’asseoir dans les quatorze rangées de sièges. Par la suite on se mit à briguer en masse l’anneau équestre ; et à cause de ces distinctions l’empereur Caligula créa une cinquième décurie. Le faste en est venu au point que les décuries, qu’on ne pouvait compléter sous le dieu Auguste, sont aujourd’hui plus qu’au complet, et qu’on voit de toutes parts des gens ne faire qu’un saut de l’esclavage à l’anneau d’or, ce qui n’était jamais arrivé jadis, puisque même des chevaliers et des juges se reconnaissaient à l’anneau de fer. Cet abus devint si fréquent, que Flavius Proculus, un des chevaliers, déféra à l’empereur Claude, alors censeur, quatre cents prévenus pour cette cause. Ainsi, tandis qu’on veut distinguer l’ordre équestre d’avec les simples citoyens de condition libre, il est envahi par les esclaves.