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PLINE.

voilà que la main de l’homme sème, que l’industrie ingénieuse de l’homme récolte ce qui, en mer, souhaitera le souffle de la brise. De plus, pour que nous reconnaissions que ce qui doit nous punir est favorisé, rien ne pousse plus facilement que le lin ; et pour que nous comprenions que cette production se fait malgré la nature, il brûle les champs (xvii, 7) et détériore la terre elle-même.

1 II. (1) Le lin se sème surtout dans les lieux sablonneux, et après un seul labour. Rien n’est plus hâtif. Semé au printemps, il s’arrache en été, et c’est encore un mal qu’il fait à la terre. Peut-être doit-on pardonner à l’Égypte de le semer, afin d’importer chez elle les marchandises de l’Arabie et de l’Inde. Mais quoi ! les Gaules aussi sont estimées pour ce produit ; ce n’est pas pour elles un empêchement suffisant [à la culture du lin] que d’être bornées par les montagnes qui les séparent de la mer [Méditerranée] (2), et d’avoir du côté de l’océan pour limites ce qu’on appelle le vide ! Les Cadurciens, les Catêtes, les Rutènes, les Bituriges et les Morius, qu’on regarde comme placés aux derniers confins de la terre ; que dis-je ? les Gaules tout 2 entières, tissent des voiles. Déjà même nos ennemis de l’autre côté du Rhin en font autant ; et l’étoffe de lin est la plus belle aux yeux de leurs femmes. À ce propos, ce que Varron rapporte me revient à l’esprit, à savoir, que dans la famille des Seranus un usage traditionnel défend aux femmes de porter des étoffes de lin. En Germanie, c’est enfouis et dans des souterrains que les ouvriers fabriquent ces étoffes. Il en est de même en Italie dans la contrée Alliane, entre le Pô et le Tésin, dont le lin, entre les espèces d’Europe, a le troisième rang, celui de Sétabis (iii, 4) ayant le premier. Le second rang appartient, dans le voisinage de la contrée Alliane, au lin de Rétovium et à celui de Faventia, sur la voie Émilienne. 3 Les lins de Faventia sont préférés, pour la blancheur, à ceux d’Allia, qui sont toujours d’un blanc moins pur. Les lins de Rétovium sont très-fins et très-forts, aussi blancs que ceux de Faventia ; mais ils n’ont rien de lanugineux, ce qui est recherché des uns et déplaît aux autres. Le fil, très-solide, est presque aussi égal qu’un fil d’araignée ; et il rend un son aigu, si vous voulez en faire l’épreuve avec les dents : aussi se vend-il le double des autres.

4 L’Espagne citérieure a aussi un lin d’une blancheur excellente, due aux eaux du torrent qui baigne Tarragone (iii, 4) : la finesse en est merveilleuse ; c’est là qu’on a établi les premières fabriques de carbases (toiles fines). De la même Espagne est venu depuis peu de temps en Italie le lin de Zoéla (iii, 4), très-bon pour les toiles de chasse. Zoéla est une cité de la Gallice, et près de l’océan. Le lin de Cumes en Campanie a de la réputation, pour les filets à prendre les poissons et les oiseaux ; il sert aussi à fabriquer des toiles de chasse. Et, en effet, avec le lin nous ne dressons pas de moindres pièges à tous les animaux qu’à nous-mêmes. Mais les toiles de Cumes arrêtent les sangliers, et ces filets sont plus puissants même que le tranchant du fer ; 5 nous en avons vu de tellement fins, qu’avec leurs cordes ils passaient par l’anneau qu’on a au doigt, et qu’un seul homme portait de quoi enceindre une forêt, comme a fait, il y a peu de temps, Julius Lupus, qui est mort préfet d’Égypte ; et cela n’est pas extrêmement mer-