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Pensons-nous donc qu’il y a ruine et famine à cultiver pour la gloire ? Oui sans doute ; le mieux, c’est que la mesure soit le juge de toutes choses. Bien cultiver est nécessaire ; très bien cultiver est dispendieux, si ce n’est avec ses enfants, son métayer, ou les gens qu’on est obligé de nourrir. Autrement, quand le maure cultive, il n’est pas avantageux de faire certaines récoltes, si on compte ce que coûtera la main-d’œuvre. Il ne faut pas, dit-on, cultiver avec trop de soin l’olivier ni certaines terres, en Sicile par exemple (XVI, 3) ; aussi les étrangers y sont-ils trompés.

VIII. 1. Comment donc cultivera-t-on avec le plus de fruit une terre ? En faisant, comme dit l’oracle, du bon avec du mauvais. Mais il est juste de défendre nos aïeux, qui dans leurs préceptes ont eu en vue les avantages de la vie. Eu disant mauvais, ils ont entendu ce qui coûte le moins. Le but suprême de leur prévoyance fut de réduire autant que possible les dépenses. C’étaient là les préceptes donnés par ceux qui faisaient un crime à un triomphateur de posséder dix livres d’argenterie (XXXIII, 30) ; qui, après la mort d’un métayer, demandaient à abandonner leurs victoires et à retourner dans leurs campagnes, dont la république se chargeait de cultiver les métairies, et qui commandaient les armées, avec le sénat pour métayer.

2. Le même esprit a dicté ces autres oracles : Mauvais laboureur, qui achète ce que le fonds peut fournir ; mauvais père de famille, qui fait de jour ce qu’on peut faire de nuit, à moins que le temps ne le permette pas ; plus mauvais, qui fait les jours ouvrables ce qui devrait être fait les jours fériés ; plus mauvais encore, qui travaille par un beau temps sous son toit plutôt que dans son champ.

3. Je ne puis m’empêcher de citer un exemple pris dans l’antiquité, et témoignant qu’on était dans l’usage de porter devant le peuple même des affaires relatives à l’agriculture, et montrant aussi comment se défendaient les hommes de ce temps. C. Furius Crésinus, affranchi, tirant d’un très petit champ des récoltes beaucoup plus abondantes que ses voisins n’en tiraient de champs très considérables, était l’objet d’une grande jalousie ; et on l’accusait d’attirer les moissons d’autrui par des maléfices.

4. En conséquence il fut cité par Sp. Albinus, édile curule. Craignant d’être condamné quand les tribus iraient aux suffrages, il vint sur le forum avec tous les instruments rustiques, des gens robustes et, comme dit Pison, bien nourris et bien vêtus, des outils parfaitement faits, de forts hoyaux, des socs pesants, des bœufs bien repus ; puis il dit : Voilà, Romains, mes maléfices ; et je ne puis vous montrer ni faire venir sur le forum mes fatigues, mes veilles et mes sueurs. Il fut absous d’un suffrage unanime. En effet, la culture veut du travail et non de la dépense ; aussi les anciens ont-ils dit que l’œil du maître était ce qui fertilisait le mieux un champ.

5. Nous donnerons en lieu et place les préceptes spéciaux à chaque espèce de culture ;