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omettre la douceur des anciennes lois, qui ordonnaient, au magistrat infligeant l’amende, de ne condamner à un bœuf qu’après avoir condamné à un mouton.

4. On appelait bubétiens ceux qui célébraient des jeux pour les bœufs. Le roi Servius le premier imprima sur l’airain monnayé (XXXIII, 13) l’image des moutons et des bœufs. Faire paître furtivement pendant la nuit une récolte de grain obtenue par la charrue, ou la couper, était, d’après les Douze Tables (Tabula VII, 2), un crime capital pour un adulte ; il était pendu pour satisfaire à Cérès, punition plus sévère que pour l’homicide : le coupable non adulte était battu de verges au gré du préteur, et le dommage se payait au double.

5. Les distinctions et le rang dans la cité même n’avaient pas d’autre origine : les tribus rustiques étaient les plus estimées, et se composaient de ceux qui avaient des terres ; les tribus urbaines, où c’était une ignominie d’être transféré, étaient taxées de fainéantise : aussi n’étaient-elles qu’au nombre de quatre, portant, d’après les quartiers qu’elles habitaient, les noms de Suburrane, Palatine, Colline, Exquiline. Tous les neuf jours les gens de la campagne venaient à la ville pour le marché ; en conséquence il n’était pas permis de tenir les comices ce jour-là, pour que le peuple de la campagne ne fût pas détourné de ses affaires. Le repos et le sommeil se prenaient sur la paille ; enfin, en raison de l’honneur où était le blé, on donnait à la gloire elle-même le nom d’adorea (ador, blé). J’admire les locutions mêmes de l’ancien langage ; voici ce qu’on lit dans les Commentaires des pontifes : « Pour tirer des augures par le sacrifice d’une chienne, prenez jour avant que le blé sorte du fourreau, et avant qu’il entre dans le fourreau. »

IV. 1. Avec de pareilles mœurs, non seulement les grains suffisaient sans qu’aucune province alimentât l’Italie, mais encore les denrées étaient d’un bon marché incroyable. Manius Marcius, édile du peuple (an de Rome 208), donna le premier le blé au peuple à un as le boisseau. Minutius Augurinus (XXXIV, 11), qui avait dévoilé les projets de Sp. Mélius, réduisit, étant onzième tribun du peuple, le prix du blé à un as pendant trois marchés (an de Rome 317) ; aussi une statue lui fut érigée en dehors de la porte Trigemina, à l’aide d’une cotisation du peuple.

2. Trébius, dans son édilité (an de Rome 345), donna au peuple le blé à un as : pour cette raison on lui éleva à lui aussi des statues dans le Capitole et le Palatium ; après sa mort, des hommes du peuple le portèrent sur leurs épaules au bûcher. On dit que, l’année où l’on transporta à Rome la Mère des dieux (au de Rome 550), la moisson fut plus abondante qu’elle ne l’avait été depuis dix ans. M. Varron rapporte que, l’année (an de Rome 604) où L. Métellus conduisit dans son triomphe de nombreux éléphants, le boisseau de blé se vendit un as (5 cent.) (XV, 1), ainsi qu’un conge (3 lit., 24) de vin, 30 livres de figues sèches, 10 livres d’huile, 12 livres de viande.

3. Et cette abondance ne provenait pas de vastes domaines empiétant sans cesse sur les voisins ; car la loi de Licinius Stolon avait limité à 500 jugères (125 hect.) la propriété foncière ; et il fut lui-même condamné par sa propre loi, convaincu d’en posséder davantage, en employant son fils comme prête-nom. Et encore était-ce la mesure d’un temps où croissait la fortune de la république. On connaît en effet le discours de Manius Curius (VII, 15) après des triomphes et d’immenses conquêtes ajoutées à l’empire :