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LIVRE XVIII.


I. (I.) 1. Nous arrivons maintenant à l'histoire des grains, des jardins, des fleurs, et de tout ce que la terre., outre les arbres et les arbrisseaux, produit avec bénignité. Contemplation infinie, fût-elle même bornée aux herbes, si on calcule les variétés, le nombre, la floraison, les odeurs, les couleurs, les sues, les vertus des plantes que le sol engendre pour la conservation ou le plaisir des hommes ! En ce sujet, je veux avant tout plaider la cause de la terre, et me faire l'avocat de la mère commune de toutes choses, bien que je l'aie déjà défendue au début de cet ouvrage (II, 63);

2. car le sujet lui-même, dans le corps de mon livre, m'amène à la considérer comme produisant aussi des substances nuisibles; et là-dessus nous la chargeons de nos crimes et lui imputons nos fautes. Elle a produit des poisons : qui les trouva, si ce n'est l'homme? Les oiseaux et les bêtes sauvages se contentent d'y prendre garde et de les éviter. Voyez : les éléphants et les ures savent aiguiser et limer leurs cornes contre un arbre, les rhinocéros contre un rocher; les sangliers affilent leurs dents en poignards contre les arbres et les rochers; les animaux sont habiles à se préparer pour nuire toutefois quel est celui d'entre eux, excepté l'homme, qui empoisonne ses armes? Nous, nous empoisonnons les flèches (XXV, 25; XXVII, 76), et au fer même nous donnons quelque chose de plus malfaisant ; nous, nous infectons les fleuves et les éléments de la nature. L'air même, qui entretient la vie, nous en faisons une cause de mort.

3. Et il ne faut pas parler ici d'ignorance chez les animaux : nous avons indiqué (VIII, 36, 41 et 2) les préparatifs qu'ils font pour combattre les serpents, et leurs inventions pour se guérir après le combat; et néanmoins aucun d'eux, si ce n'est l'homme, n'emploie pour arme un poison étranger. Avouons donc notre faute, nous qui ne nous contentons pas des poisons qui naissent spontanément. En effet, la main des hommes« prépare un grand nombre; que dis-je? n'est-il pas des hommes mêmes dont l'existence est comma un poison? Ils vibrent une langue livide comme celle des. serpents; leur âme venimeuse brûle ce qu'elle touche. Ils inculpent tout, et, semblables aux oiseaux funèbres (X, 16), ils troublent leurs ténèbres et le repos de leur nuit par un gémissement, seule voix qu'ils fassent entendre, voulant, comme les animaux de mauvais augure, empêcher par leur rencontre les autres d'agir et d'être utiles à la société.

4. La seule jouissance de ces êtres détestables, c'est de tout haïr; mais la nature, majestueuse en cela même, a engendré en plus grand nombre les hommes honnêtes et vertueux; comme elle est plus féconde en plantes salutaires et nutritives. C'est en vue de l'estime et de la joie de ces gens de bien qu'abandonnant la foule des méchants à leurs passions brûlantes, nous continuerons à servir l'humanité, et avec d'autant plus de constance que nous désirons plus faire un ouvrage utile qu'un ouvrage renommé.