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LIVRE XVII. 613

tement une nouvelle semaille, qu’on récolte en même temps que les autres grains. Un sol graveleux dans le territoire de Vénafre, un sol très gras dans la Bétique, conviennent parfaitement aux oliviers. Les vins de Pucinum (xiv, 8, 1) mûrissent sur la roche ; les vignes du Cécube sont humectées par les marais Pontins (iii, 9). Tant sont grandes la variété des expériences et les différences du sol ! 7 César Vopiscus, plaidant sa cause devant les censeurs, dit que les champs de Roséa (iii, 17) étaient le terroir le plus fertile de l’Italie, et qu’une perche qu’on y laisse est le lendemain recouverte par l’herbe ; mais on ne les estime que comme pâturages. Cependant la nature n’a pas voulu que nous n’apprissions rien, et elle a manifesté les défauts la même où elle ne manifeste pas les qualités. En conséquence, commençons par les signes de réprobation.

(v.)

8 Veut-on savoir si une terre est amère ou maigre ? on le reconnaît aux herbes noires et chétive qu’elle produit : on reconnaît une terre froide à des productions rabougries ; une terre humide, a des productions malheureuses ; à l’œil la terre rouge et la terre argileuse, qui sont très difficiles à travailler, et qui chargent de mottes énormes les socs et les pioches : toutefois ne croyez pas que ce qui rend le travail pénible rende aussi le produit moindre. L’œil reconnaît de même un sol mêlé de cendre et de sable blanc. La terre stérile et dense se reconnaît facilement à sa dureté ; il suffit d’un coup de pioche. Caton (De re rust. II), brièvement et à sa manière, caractérise les vices des terrains : « Prenez garde à une terre cariée, ne l’ébranlez pas en y menant des chariots ou des troupeaux. » 9 Par cette expression qu’a-t-il entendu de si redoutable, qu’il défende presque de mettre le pied sur ce sol ? Reportons-nous à la carie du bois, et nous trouverons que ces vices si détestés sont ceux d’un terrain aride, crevassé, raboteux, blanchâtre. vermoulu, poreux. Caton a plus dit en un seul mot que ne pourrait exprimer un long discours. En effet, si l’on se rend compte des défauts des terrains, on voit qu’il est des terres vieilles non par l’âge [on ne peut concevoir d’âge à la terre], mais naturellement, et dès lors improductives et impuissantes pour toute chose. 10 Le même auteur (De re rust. i) regarde comme le meilleur terrain celui qui, situé au pied d’une montagne, s’étend en plaine du côté du midi : exposition qui est celle de l’Italie entière (iii, 6). D’après Caton (De re rust. cli.) la terre noire est tendre ; or la terre tendre est la meilleure pour la culture et pour les céréales. Qu’on veuille bien comprendre seulement tout ce que signifie cette expression merveilleuse de tendre, et l’on y trouvera tout ce qu’on peut désirer : la terre tendre a une fertilité tempérée, la terre tendre est d’une culture commode et facile ; elle n’est pas détrempée, elle n’est pas desséchée ; elle est brillante après le passage du soc, telle qu’Homère, source où puisent tous les génies, la dépeint ciselée par le dieu sur les armes d’Achille, ajoutant, chose merveilleuse ! qu’elle noircit, quoique représentée en or (Il., xviii, 548). C’est elle qui, fraîchement retournée, attire les oiseaux gourmands compagnons de la charrue, et les corbeaux qui vont becquetant les pas mêmes du laboureur. 11 Rappelons ici une sentence du luxe, qui n’est pas non plus hors de propos. Cicéron, cet autre flambeau de la littérature, a dit : « Meilleur est un parfum ayant le goût de terre qu’un parfum ayant le goût de safran (xiii, 4). » Il a mieux aimé dire le goût que l’odeur. Disons de même : la meilleure



nus serant et cum aliis frugibus metant. Glareosum oleis solum aptissimum in Venafrano, pinguissimum in Bætica. Pucina vina in saxo cocuntur, Cæcubæ vites in Pomtinis paludibus madent. Tanta est argumentorum ac soli varietas ac differentia ! 7 Cæsar Vopiscus, cum causam apud censores ageret, campos Rosiæ dixit Italiæ sumen esse, in quibus perticas pridie relictas gramen operiret, sed non nisi ad pabulum probantur. Non tamen indociles natura nos esse voluit, et vitia confessa fecit etiam ubi bona certa non fecerat. Quamobrem primum crimina dicemus.

V

(v.) 8 Terram amaram [probaverim] demonstrant eius atræ degeneresque herbæ, frigidam autem retorride nata, item uliginosam tristia, rubricam oculi argillamque, operi difficillimas quæque rastros aut vomeres ingentibus glæbis onerent, quamquam non quod operi, hoc et fructui adversum ; item e contrario cineraceam et sabulum album. Nam sterilis denso callo facile deprehenditur vel uno ictu cuspidis. Cato breviter atque ex suo more vitia determinat : Terram cariosam cave, neve plaustro neve pecore inpellas. 9 Quid putamus hac appellatione ab eo tantopere reformidari, ut pæne vestigiis quoque interdicat ? redigamus ad ligni cariem, et inveniemus illa, quæ in tantum abominatur, vitia aridæ, fistulosæ, scabræ, canescentis, exesæ, pumicosæ. Plus dixit una significatione quam possit ulla copia sermonis enarrari. Est enim interpretatione vitiorum quædam non ætate (quæ nulla in ea intellegi potest), sed natura sua anus terra, et ideo infecunda ad omnia atque inbecilla. 10 Idem agrum optimum iudicat ab radice montium planitie in meridiem excurrente, qui est totius Italiæ situs, terram vero teneram, quæ vocetur pulla. Erit igitur hæc optima et operi et satis. Intellegere modo libeat dictam mira significatione teneram, et quidquid optari debet, in eo vocabulo invenietur. Illa temperatæ ubertatis, illa mollis facilisque culturæ, nec madida nec sitiens. Illa post vomerem nitescens, qualem fons ingeniorum Homerus in armis a deo cælatam dixit addiditque miraculum nigrescentis, quamvis fieret ex auro. Illa quam recentem exquirunt inprobæ alites vomerem comitantes corvique aratoris vestigia ipsa rodentes. 11 Reddatur hoc in loco luxuriæ quoque sententia et aliqua in propositum. Certe Cicero, lux doctrinarum altera, Meliora, inquit, unguenta sunt quæ terram, quem quæ crocum sapiunt. Hoc enim maluit dixisse quam redolent.