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LIVRE XIV


des hommes distingués aimer mieux cultiver les vices d’autrui que leurs propres qualités. La volupté a commencé à vivre, la vie elle-même a cessé. Quant à nous, nous scruterons même ce qui a été oublié ; et la trivialité de certains détails ne nous détournera pas plus qu’elle ne nous a détourné dans l’histoire des animaux. Cependant nous voyons que pour cette raison Virgile, ce poète admirable, a omis de célébrer les mérites des jardins : des grandes choses qu’il a traitées, poète heureux et chéri, il n’a cueilli que la fleur, ne nommant que quinze espèces de vignes, trois d’oliviers, autant de poiriers, le citronnier, et passant tout le reste sous silence.

II. <1> Par quoi commencerions-nous de préférence à la vigne ? Elle donne à l’Italie une supériorité si spéciale, que par ce seul trésor, on peut le dire, elle l’emporte sur les trésors végétaux de tous les pays, excepté les pays à parfums ; et même, quand la vigne est en fleur, aucune odeur n’est plus suave. {{t|(i.) La vigne a été à juste titre, à raison de sa grandeur, rangée chez les anciens parmi les arbres. Dans la ville de Populonium, nous voyons une statue de Jupiter faite avec un seul cep, et les siècles ne l’ont point endommagée ; à Marseille, une coupe du même bois. Le temple de Junon, à Métaponte, était soutenu par des colonnes en bois de vigne. Encore aujourd’hui on monte sur le toit du temple de Diane d’Éphèse par un escalier fait, dit-on, avec un seul cep de vigne de Chypre ; les vignes de cette île arrivent à la plus grande taille. Aucun bois ne dure plus longtemps. Toutefois je suis porté à croire que les ouvrages dont je viens de parler ont été faits en bois de vigne sauvage.

III. <1> La vigne se taille tous les ans. On en appelle toute la force vers les sarments, ou on la repousse vers les provins ; on ne lui permet de s’échapper qu’en vue du jus qu’elle doit produire, de diverses façons suivant le climat et la nature du terrain. Dans la Campanie, on marie les vignes aux peupliers : embrassant cet époux qu’on leur donne, elles étendent le long de ses rameaux leurs tiges noueuses comme autant de bras amoureux, et en atteignent le sommet à une telle hauteur, que le vendangeur stipule, dans son marché, le prix du bûcher et du tombeau. Elles croissent sans fin, et on ne peut les séparer ou plutôt les arracher de l’arbre qui les supporte. Des vignes seules, de leurs sarments incessamment déroulés, ont entouré des maisons de campagne et des palais : Valérianus Cornélius a regardé ce fait comme un des plus curieux qu’on pût transmettre. <3> Une seule vigne, à Rome, dans les portiques de Livie, forme une tonnelle sous laquelle on se promène à l’ombre ; la même vigne donne 12 amphores de vin (233 litr.). Partout les vignes dépassent les ormeaux. On rapporte que l’ambassadeur du roi Pyrrhus, Cinéas (VII, 24), qui avait admiré la hauteur de ces vignes à Aride, dit spirituellement, en faisant allusion au goût âpre du vin, que c’était justice d’avoir pendu la mère d’un tel vin à une croix si élevée. Il est en Italie, au delà du Pô, un arbuste nommé rumbotinus (xxiv, 112), et portant aussi le nom de populus : les vignes en garnissent les larges étages circulaires, montant pour se ramifier jusqu’à l’endroit où l’arbuste se ramifie, et dispersant leurs sarments dans les digitations un peu redressées des branches de l’arbuste. <3> D’autres, soutenues à hauteur d’homme par des échalas, se dressent, et forment un vignoble. D’autres, ardentes à éten-

Texte latin


sim uero etiam egregii alienta uitia quam bona sua colere malle. ergo Hercules uoluptas uiuere cœpit, uita ipsa desiit. 7 sed nos oblitterata quoque scrutabimur, nec deterrebit quarundam rerum humilitas, sicuti nec in animalibus fecit, quamquam uidemus Vergilium præcellentissimum uatem ea de causa hortorum dotes fugisse et in his quæ rettulit flores modo rerum decerpsisse, beatum felicemque gratiæ quindecim omnino generibus unarum nominatis, tribus oleæ, totidem pirorum, malo uero tantum Assyrio, ceteris omnibus neglectis.

[II] 8 II. Unde autem potius incipiamus quam a uitibus ? quarum principatus in tantum peculiaris Italiæ est, ut uel hoc uno omnia gentium uicisse etiam odorifera possit uideri bona, quamquam ubicumque pubescentium odori nulla suauitas præfertur. 9 Vites iure apud priscos magnitudine quoque inter arbores numerabantur. Iouis simulacrum in urbe Populonio ex una conspicimus tot æuis incorruptum, item Massiliæ pateram. Metaponti templum Iunonis uitigineis columnis stetit. etiam nunc scalis tectum Ephesiæ Dianæ scanditur una uite Cypria, ut ferunt quoniam ibi ad præcipuam amplitudinem exeunt. nec est ligno ulli æternior natura. uerum ista ex siluestribus facta crediderim.


[III] 10 III. Hæ uites tonsura annua cœrcentur, et uis earum omnis euocatur in palmites aut deprimitur in propagines, sucique tantum gratia ex iis petitur pluribus modis ad cæli mores solique ingenia. in Campano agro populis nubunt, maritasque conplexæ atque per ramos earum procacibus bracchis geniculato cursu scandentes cacumina æquant, in tantum sublimes, ut uindemitor auctoratus rogum ac tumulum excipiat, nulla fine crescendi, 11 uidique iam porticus, uillas et domos ambiri singularum palmitibus ac sequacibus loris. quodque memoria dignum inter prima Valerianus quoque Cornelius existimauit, una uitis Romæ in Liuiæ porticibus subdiales inambulationes umbrosis pergulis opacat, eadem duodenis musti amphoris fecunda. 12 ulmos quidem ubique exuperant, miratumque altitudinem earum Ariciæ ferunt legatum regis Pyrrhi Cineam facete lusisse in austeriorem gustum uini, merito matrem eius pendere in tam alta cruce. Rumbotinus uocatur et alio nomine opulus arbor Italiæ Padum transgressis, cuius tabulata in orbem patula replent puroque perductæ dracone in palmam eius inde sub rectos ramorum digitos flagella dispergunt. 13 Eædem modici hominis altitudine adminiculatæ sudibus horrent, uineamque faciunt aliæ inprobo reptatu pampinorum-