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XXXVIII. [1] En Arabie, l’olivier fournit un suc en larmes qui entre dans le médicament appelé par les Grecs enhaemon, et doué de propriétés singulières pour la cicatrisation des plaies. Ces arbres sont, sur le bord de la mer, couverts par l’eau au temps de la marée, sans que les olives en souffrent, bien qu’il reste du sel sur les feuilles. Ce sont là les arbres propres à l’Arabie ; elle en a quelques autres qui lui sont communs avec d’autres pays ; j’en parlerai ailleurs, parce que ceux de l’Arabie sont inférieurs. Les Arabes eux-mêmes ont une merveilleuse passion pour les parfums exotiques, et ils vont les chercher dans des contrées lointaines. Tant l’homme se dégoûte des choses indigènes, et est avide des choses étrangères !

XXXIX. [1] Ils demandent donc à l’Élymaïde l’arbre appelé bratus : il ressemble à un cyprès plus large que haut ; les branches en sont blanchâtres ; il répand une odeur agréable en brûlant, et dans ses Histoires l’empereur Claude en dit des merveilles : il rapporte que les Parthes en mettent les feuilles dans leur boisson, que l’odeur en approche beaucoup de celle du cèdre, et que la fumée de ce bois est un remède contre la fumée des autres bois. Cet arbre naît au delà du Pasitigris, dans le territoire de la ville de Sit¬tace, sur le mont Zagrus (VI, 31).

XL. [1] Ils vont aussi chercher dans la Carmanie l’arbre appelé strobus, qu’ils emploient à des fumigations, le brûlant après l’avoir arrosé de vin de palmier. L’odeur qui s’en exhale monte au plafond et redescend vers le sol, agréable, mais causant de la pesanteur de tête, sans douleur cependant ; on s’en sert pour procurer du sommeil aux malades. A ces diverses branches de commerce ils ont ouvert la ville de Carrhes (V, 21), leur servant de marché ; delà ils avaient coutume de gagner Gabba (V, 16), trajet de vingt journées, et la Palestine de Syrie (V, 14). Plus tard, suivant Juba, ils se mirent, pour la même raison, en rapport avec Charax (VI, 31) et le royaume des Parthes. Pour moi, il me paraît qu’ils ont même porté ces marchandises en Perse avant de les porter en Syrie ou en Égypte, du moins au témoignage d’Hérodote (Hist., III, 94), qui dit que les Arabes fournissaient en tribut annuel aux rois de Perse mille talents d’encens (1940 kil.).

[2] De Syrie ils rapportent le styrax (XII, 56), qui, brûlé dans le foyer, chasse par son odeur forte le dégoût de leurs propres parfums. On n’emploie pas en Arabie d’autres bois que des bois odorants ; les Sabéens cuisent leurs aliments avec du bois d’encens, d’autres avec du bois de myrrhe ; et la fumée et les odeurs qui s’élèvent des villes et des bourgs sont celles de nos autels. Aussi pour s’en préserver ils brûlent du styrax dans des peaux de bouc, et ils en font des fumigations dans leurs maisons ; tant il est vrai qu’il n’est aucun plaisir dont la continuité ne cause du dégoût ! Ils le brûlent aussi pour mettre en fuite les serpents, très multipliés dans les forêts odoriférantes.

XLI. (XVIII.) [1] Le cinnamome et la casia (laurus casia, L.) n’appartiennent pas à l’Arabie, qu’on nomme cependant Heureuse. Trompée et ingrate, elle croit tenir du ciel son surnom, et elle le doit bien plus aux enfers. Ce qui l’a faite Heureuse, c’est le luxe déployé par les hommes môme dans la mort, et employant à brûler les défunts ce que l’Arabie pensait avoir été produit pour honorer lés dieux. Les gens du métier assurent que ce pays ne donne pas en une année autant de parfums que Néron en brûla lors de la mort de son épouse Poppée. Qu’on fasse maintenant le calcul de toutes les funérailles, par an, dans l’univers entier, et des masses d’encens consacrées à honorer des cadavres, d’un encens qu’on n’accorde aux dieux que par miettes.

[2] Certes les dieux n’étaient pas moins propices quand on les suppliait en leur offrant un gâteau salé ; et ils l’étaient bien davantage, les faits le prouvent. Mais la mer de l’Arabie est encore plus Heureuse ; c’est elle, en effet, qui fournit les perles ; 100 millions de sesterces (21, 000, 000 f.), au calcul le plus bas, sont annuellement enlevés à notre empire par l’Inde, la Sérique, et cette presqu’île Arabique ; tant nous coûtent cher le luxe et les femmes ! Quelle portion, je vous le demande, en revient aux dieux du ciel et de l’enfer ?